France : l’Arcep établit le « bilan de santé » d’Internet en 2019,
la France affiche un bilan positif en matière de neutralité du net
L’Arcep (l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) a rendu public son troisième rapport annuel sur « l’état de santé d’Internet en France ». Ce rapport propose une présentation didactique de l’état des réseaux et des chantiers entrepris pour garantir au mieux la capacité d’échange des utilisateurs. Pour chacune des composantes, l’Arcep identifie les symptômes et établit une prescription pour soigner le patient Internet, ou lui proposer des remèdes préventifs.
Selon l’Arcep, ce rapport se concentre seulement sur les composantes de la santé d’Internet qui relèvent directement des missions de l’Autorité. Les questions liées à la résilience et à la sécurité ne sont donc pas abordées ici. L’enjeu principal dans cette étude de l’Arcep est de veiller à ce qu’Internet se développe comme un « bien commun » et qu'il ne soit donc pas détourné par quelques géants du Net pour leur profit personnel. Le « check-up » s'articule autour de deux grands axes : s'assurer de son bon fonctionnement (la qualité de service, l'interconnexion et l'IPv6) et de son ouverture, au sens large (la neutralité et les terminaux).
L’Arcep compte améliorer la qualité d'Internet
Dans un premier temps, ce rapport aborde la qualité de service. Selon l’Arcep, pour pouvoir améliorer la qualité de service d’Internet, il faut pouvoir la mesurer. Les comparateurs d’aujourd’hui sont si peu homogènes qu’il est impossible pour les utilisateurs de faire de la performance un réel critère de choix de fournisseur d’accès. Pour remédier à cela, l’Arcep a souhaité perfectionner le scanner à travers la mise en place d’une API dans les box, déclinant la « carte d’identité de l’accès » de chaque terminal. Elle permettra un bien meilleur diagnostic, avec une information fiable sur les paramètres de chaque mesure.
Présentée comme le fruit d’une concertation avec l’ensemble des acteurs de l’écosystème, cette API est complétée par un « Code de conduite ». Progressivement adopté par les acteurs de la mesure, il permet de gagner en fiabilité, en transparence et en lisibilité des résultats. Autrement dit, cette API est une interface logicielle qui sera implémentée dans chaque box permettant la transmission, au moment de l’exécution d’une mesure de la qualité de service Internet par le client d’un accès xDSL, câble ou FttH et les box d’accès fixe supportant la technologie 5G. Elle se chargera de collecter des informations telles que la technologie d’accès, le débit souscrit par le consommateur, ou la qualité du Wi-Fi.
L’API permet alors de caractériser l’environnement utilisateur sans dégrader l’expérience utilisateur. Ainsi, depuis début 2019, plusieurs outils se sont déclarés conformes aux recommandations de l'Arcep. Parmi les outils de test de qualité de service fixe qui se sont déclarés conformes au « Code de conduite » de la qualité de service Internet, on peut noter : nPerf ( développé par nPerf), DébiTest 60 (60 millions de consommateurs, développé par QoSi), 4GMark (QoSi), Speedtest UFC-Que Choisir et IPv6-test sur le fixe. Les trois premiers proposent aussi des tests sur mobile.
L’Arcep veille au grain pour assurer une bonne interconnexion de données
En seconde position, l’Arcep a abordé la question de l’interconnexion de données. Selon l’autorité, l’interconnexion constitue le fondement même d’Internet. Elle permet à tous les réseaux de communiquer entre eux et de ne faire qu’un à nos yeux. Cet écosystème en constante évolution peut être le terrain de tensions ponctuelles. C’est la qualité de service perçue par l’utilisateur qui est alors menacée. Pour s’assurer que cela n’arrive pas, l’Arcep a notifié qu’elle exerce un suivi vigilant du marché et publie dans son baromètre annuel de l’interconnexion en France des données issues de sa collecte d’information.
Quand la situation l’exige, l’Arcep peut aussi se faire « gendarme » et régler les différends entre les acteurs. Dans le cas de l’interconnexion de données donc, le régulateur note une évolution, mais prescrit toujours un « suivi continu » pour éviter tout débordement. Selon le constat de l’Arcep, « 53 % du trafic vers les clients des principaux FAI en France provient de quatre fournisseurs de contenu : Netflix, Google, Akamai et Facebook. En France, Google et Netflix sont les deux principaux acteurs à mettre en place des CDN internes aux réseaux des principaux FAI ».
Selon Nicolas Pisani, Responsable relations opérateurs en Europe du Sud chez Akamai, « les coûts d’interconnexion restent assez élevés chez certains FAI français par rapport à d’autres pays, mais d’autre part, le marché de l'interconnexion en France est fortement concentré à Paris ». À ce stade de son étude, l’Arcep a découvert que le trafic entrant vers les quatre principaux FAI en France à l’interconnexion est passé de plus de 12 Tb/s à la fin de 2017 à 14,3 Tb/s à la fin de 2018, marquant ainsi une augmentation d’environ 15 % en un an. Mais cette croissance est par contre largement inférieure à celle des années précédentes.
En 2018 elle n'était en effet que de 7 à 8 % par semestre, alors qu'elle était à deux chiffres depuis 2012. De plus, l’autorité a fait remarquer que le trafic sortant du réseau des quatre principaux FAI dépasse 1,5 Tb/s, soit une hausse de 12 % provenant en intégralité du premier semestre de 2018 (stable au second). Depuis 2012, ce trafic sortant a néanmoins été multiplié par trois, une progression largement inférieure à celle du trafic entrant. Les capacités d'interconnexion des principaux FAI français sont de 39,5 Tb/s, soit un facteur de 2,8 par rapport au trafic entrant, mais selon l’Arcep, ce ratio n’exclut pas l’existence de cas ponctuels de congestion.
L’Arcep recommande d'accélérer la transition vers IPv6, car « la carence en IPv4 s’accentue »
Concernant la transition vers IPv6, l’Arcep a indiqué que le rythme d’acquisition des derniers blocs d’adresse IPv4 s’est encore intensifié cette année. Conséquence : la fin d’IPv4 est dorénavant annoncée pour juin 2020. Accélérer la transition vers IPv6 n’est plus une option, c’est une nécessité. Pourtant, les déploiements de l’IPv6 prévus par les opérateurs fixes et mobiles risquent de ne pas permettre de répondre à la pénurie d’adresses IPv4. Selon l’Arcep, les déploiements sont moindres. Ainsi, afin d’activer l’écosystème sur le sujet, l’Arcep organisera, au second semestre de 2019, la première réunion de travail de la « Task-Force IPv6 ».
Ces réunions semestrielles permettront de partager les expériences des différents acteurs et de définir des actions à mettre en place pour accélérer la transition vers IPv6 en France. Pour cela, l’Arcep étudie la mise en place d’une plateforme en ligne permettant l’échange entre tous les participants à la « Task-Force ». Selon une autre étude de l’autorité de régulation, les chiffres sur la transition vers IPv6 sont très petits. En effet, il y aurait seulement 0,9 % des clients de l’opérateur SFR qui en profitent et environ 2,5 % de ceux de Bouygues Telecom, contre 45 % et 50 %, respectivement pour les opérateurs Orange et Free.
La France affiche un bilan positif en matière de neutralité du net
En quatrième position de son rapport, l’Arcep parle de la neutralité de l’Internet. Pour l’autorité de régulation, deux ans après l’entrée en vigueur du règlement sur l’Internet ouvert en Europe, c’est l’heure du premier bilan. La mise en pratique du principe de neutralité du Net par les régulateurs nationaux a permis de constater que les lignes directrices, qui peuvent nécessiter encore quelques clarifications, ont globalement fait leurs preuves. Ainsi, en France, l’application « Wehe » arrivée fin 2018 fait désormais partie, avec la plateforme « J’alerte l’Arcep », de l’arsenal des outils que l’Autorité mobilise au quotidien pour détecter des gestions de trafic contraires au principe de neutralité du Net.
L’outil est conçu à la Northeastern University de Boston, avec la contribution du régulateur. Un bouton permet par exemple d'envoyer directement le résultat d'un test à l'Arcep. En gros, l’Arcep s’est rendu compte que la France affiche un bilan positif en matière de neutralité du net. Toutefois, l’Autorité veille à ce que les fournisseurs d’accès continuent d’ajuster leurs pratiques en conformité avec le cadre réglementaire. Enfin, la neutralité technologique du règlement sur l'Internet ouvert permet à l’Arcep d’accompagner sereinement l’arrivée de la 5G et de ses innovations.
L'Arcep veut contribuer à l’ouverture des terminaux
Le cinquième et dernier point de ce rapport sur l’état de santé d’Internet en France est consacré à l’ouverture des terminaux. Avec l'entrée en vigueur du règlement européen sur la neutralité du net, l'Arcep peut exercer sa protection sur les réseaux. Pourtant, au bout de la chaîne, il existe un maillon faible : les terminaux. Le sujet a gagné en visibilité depuis quelques mois. En Europe, Android a été sanctionné pour son abus de position dominante sur le marché des systèmes d'exploitation mobiles. Autrement dit, Google a été sanctionné d’une amende de 4,3 milliards d’euros par la Commission européenne pour abus de position dominante.
L’amende a frappé Google en juillet 2018 pour abus de position dominante sur le marché des systèmes d’exploitation et pour avoir favorisé son moteur de recherche, ainsi que son navigateur Chrome. Pour aider les utilisateurs face aux restrictions auxquelles ils sont confrontés dans la pleine utilisation de leurs smartphones, l’Arcep a publié deux fiches pratiques. De plus, le règlement européen « Platform-to-business », adopté début 2019, apporte plus de transparence sur les pratiques des plateformes en ligne vis-à-vis de leurs clients entreprises.
Cependant, si l'Arcep se félicite de ces premières avancées pour la liberté d'innovation et la liberté de choix des utilisateurs, le règlement Platform-to-business ne permet pas encore d'assurer la neutralité des terminaux. Dans son rapport consacré à la question, publié en février 2018, l'Arcep émet onze propositions concrètes pour assurer un Internet ouvert « de bout en bout ». L’Autorité lutte plus généralement contre toutes les formes de silos qui pourraient menacer la liberté d’échanger sur les réseaux, et s’intéresse à ce titre aux nouveaux intermédiaires que sont les grandes plateformes d'Internet.
Enfin, l’Arcep a conclu que l’Internet évolue en permanence. Dans ce sens, pour être à l’écoute des évolutions technologiques des réseaux, l’Arcep a entamé un cycle de réflexion intitulé « Réseaux du futur ». Ainsi, lit-on dans ce rapport, les premiers résultats de cette réflexion, notamment sur la virtualisation des réseaux, sont disponibles sur le site de l’autorité de régulation et nourriront probablement un jour le présent rapport. Vous pouvez avoir accès au rapport pour découvrir plus d’informations sur le sujet et les actions menées par l’Arcep dans chaque cas.
Source : Rapport de l’étude (PDF)
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