L'UE lance une enquête antitrust contre Amazon pour son utilisation des données des vendeurs
dans la sélection des gagnants de la « boîte d'achat »
Amazon est devenue la cible d’une enquête antitrust menée mercredi par l’Union européenne sur son utilisation des données des vendeurs, soulignant le contrôle de plus en plus rigoureux de la façon dont les entreprises de haute technologie exploitent les informations des clients.
Les grandes enseignes américaines de la technologie, Amazon, Google et Facebook, ont été au cœur de la réglementation lorsque les autorités antitrust ont examiné comment elles utilisent les données pour renforcer leur pouvoir de marché. Certains politiciens américains et même l’un des cofondateurs de Facebook ont appelé à leur séparation.
Depuis septembre, la Commission européenne demande des retours des détaillants et des fabricants quant au double rôle d’Amazon en tant que marché et concurrent à la suite de plaintes des commerçants au sujet des pratiques d’Amazon.
La Commission européenne a déclaré que l’enquête examinerait deux questions : les contrats standard d’Amazon avec les vendeurs du marché et son utilisation des données dans la sélection des gagnants de la « boîte d'achat », qui permet aux acheteurs d’ajouter des articles d’un détaillant spécifique dans leurs paniers. Pour rappel, la « Buy Box », où « boîte d’achat » en français, est un peu le Saint Graal du vendeur sur Amazon. Certains vendeurs ont rapporté une multiplication du chiffre d’affaires par 4 sur les périodes ou ils ont la boîte d’achat
La boîte d'achat
Avec le référencement d’Amazon et ses millions de pages, nombreux sont les vendeurs qui sont intéressés par la plateforme. Cela étant, il ne suffit pas d’apparaître sur ce site pour voir ses commandes progresser ! Il s’agit de proposer des offres attractives, en particulier en termes de prix, mais aussi de jouir d’une grande visibilité. Celle-ci est incarnée par la boite d’achat d’un compte vendeur Amazon, et matérialisée par le bouton “Ajouter au panier”.
Admettons que vous proposiez un casque sur Amazon. Vous ne serez inévitablement pas le seul commerçant à le vendre, mais les acheteurs potentiels n’ont pas accès à tous les vendeurs de ce produit. Quand ils consultent la page dédiée à un modèle de casque, ils ont l’occasion, en un clic, de mettre l’accessoire dans leur panier et de finaliser leur commande. Par conséquent, c’est le vendeur Amazon du produit qui est associé au bouton “Ajouter au panier” qui enregistre la vente. On estime que 82% des ventes sont concrétisées grâce à ce dispositif. Voilà pourquoi il demeure important, voire primordial d’avoir la boite d’achat afin d’être visible sur Amazon. Cela étant, rien n’empêche les internautes de se procurer ce même produit chez un autre e-commerçant, en cliquant sur le lien à nouveau encadré en rouge. Dans les faits, cette alternative est réellement sollicitée.
La boîte d’achat, est donc cet encadré anodin à droite d’une fiche, que les vendeurs voudraient tous avoir. Il permet l’ajout immédiat au panier du produit par l’acheteur, qui fait alors une confiance aveugle à Amazon dans la sélection du vendeur qui honorera la commande. Il est facile d'imaginer qu’Amazon ne donne pas accès à la boîte d’achat au hasard.
La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, qui peut imposer aux entreprises jusqu'à 10% de leur chiffre d'affaires mondial, a déclaré que la question était cruciale alors qu'un nombre croissant d'Européens effectuent des achats en ligne.
« Le commerce électronique a stimulé la concurrence dans le commerce de détail et apporté plus de choix et de meilleurs prix. Nous devons veiller à ce que les grandes plateformes en ligne ne suppriment pas ces avantages par un comportement anticoncurrentiel », a-t-elle déclaré.
Amazon affirme être disposé à coopérer pleinement lors de cette enquête
Amazon a déclaré qu'il va coopérer pleinement avec l'enquête de l'UE. La société a conclu mercredi un accord avec les autorités antitrust allemandes afin de réviser ses conditions de service pour les marchands tiers.
En vertu des conditions de service pour l'Europe énoncées sur son site Web (Contrat Amazon Services Europe Business Solution), les marchands octroient à Amazon des droits « libre de toute redevance » sur l'utilisation de leurs supports de différentes manières, telles que la technologie, les marques, le contenu et les informations sur les produits :
« Vous nous octroyez un droit et une licence irrévocables, perpétuels, libres de toute redevance, non exclusifs, pour le monde entier, pour utiliser, reproduire, réaliser, présenter (communication publique), distribuer, adapter, modifier, reformater tous Vos Eléments, en créer et exploiter des dérivés, et dans tous les cas les exploiter commercialement ou non-commercialement, de quelque façon que ce soit, et par ailleurs de céder en sous-licence les droits énoncés ci-dessus et à nos Sociétés Affiliées et aux opérateurs de l'Espace associé à Amazon; à condition, toutefois, que nous ne changions aucune de Vos Marques par rapport à la forme que vous nous aurez fournie, (sauf pour les redimensionner dans la mesure où des contraintes de présentation nous y obligent, pour autant que les proportions relatives de ces marques restent les mêmes), et par ailleurs nous nous conformerons à vos demandes de retrait concernant les utilisations spécifiques de Vos Marques (à condition que vous ne soyez pas en mesure de le faire à l'aide d'une fonctionnalité standard qui vous est proposée par le biais du Site Amazon ou du Service applicable) ; à condition de plus, que rien dans ce Contrat ne porte atteinte, totalement ou en partie, à notre droit d'utiliser Vos Eléments sans votre accord, dans la mesure où une telle utilisation est légitime sans licence de votre part ou de la part de vos filiales, dans le cadre du droit en vigueur (par exemple, l'utilisation référentielle dans le cadre des lois sur les marques, ou licence valide d'un tiers) ».
La Commission a du mal à définir le marché sur lequel Amazon opère
L’enquête de l’UE a quelques parallèles avec l’enquête de la Commission sur Google qui aurait donné à son propre service de comparaison des avantages des résultats de recherche illégaux, a déclaré Ian Giles, partenaire de Norton Rose Fulbright.
« Dans le monde entier, les autorités de la concurrence se sont montrées préoccupées par l’absence d’appréciation du pouvoir de marché détenu par la propriété des données », a-t-il déclaré.
Dans le cas d’Amazon, il a déclaré que la Commission devait montrer que « les accords types conclus avec les détaillants étaient anticoncurrentiels en permettant à Amazon d’utiliser les données pour manipuler les résultats du marché, ou qu’Amazon avait en quelque sorte abusé de sa domination ».
Politico a annoncé la semaine dernière que l’UE commencerait une enquête.
La Commission avait du mal à définir le marché sur lequel Amazon opère afin de déterminer où le préjudice concurrentiel aurait pu se produire, ont déclaré des sources à Reuters.
Ils ont dit que la question était de savoir s'il fallait regarder Amazon dans l'ensemble du marché de la vente au détail ou dans son propre créneau.
Ce ne serait pas la première confrontation d'Amazon avec la Commission. Il y a deux ans, il lui a été exigé de rembourser au Luxembourg des impôts d'environ 250 millions d'euros en raison d'avantages fiscaux illégaux. La même année, l’entreprise a conclu avec le régulateur des contrats de distribution avec des éditeurs de livres électroniques en Europe.
Sources : Amazon, Reuters
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