Google va acheter Looker, une société de logiciel d’analyse de données
Pour 2,6 milliards de dollars
Pendant que la pression s’accentue sur les grandes plateformes numériques, dont Google qui fait face à une troisième amende infligée par l’Union européenne pour ses pratiques publicitaires « illégales » en Europe et qui pourrait faire l’objet d’une nouvelle enquête antitrust du ministère américain de la Justice, le géant continue ses opérations d’acquissions d’entreprises. Sa toute dernière prise est Looker, une plateforme américaine de Business Intelligence, d'applications de données et d'analyse intégrée dont le siège social se trouve à Santa Cruz, en Californie. Google a annoncé l’acquisition avec enthousiasme le jeudi. Looker devrait rejoindre Google Cloud plus tard cette année, une fois l'acquisition, qui dépend également des approbations réglementaires, complétée.
L’entreprise Looker a été fondée en 2012 et emploie environ 800 personnes. Elle a réuni 281 millions de dollars en capital risque et a été évaluée à 1,6 milliard de dollars lors d'une ronde de financement l'an dernier. Selon un article de blog publié jeudi sur le site Web de Google Cloud, l’acquisition de Looker repose sur un partenariat. En effet, les deux sociétés partagent déjà plus de 350 clients communs, dont Hearst, King, Sunrun, WPP Essence, qui utilisent déjà leurs produits ensemble, selon l’article de Google.
Selon Forbes, L’opération d’acquisition de la plateforme Looker est la plus importante acquisition de Google depuis l'acquisition de Nest pour 3,2 milliards de dollars en 2014. Elle constitue également une étape très importante pour Google Cloud et son PDG Thomas Kurian qui a remplacé Diane Greene en tant que leader de Google Cloud au début de l'année et qui est chargé de conduire la concurrence avec Microsoft et le leader du marché Amazon.
En termes de la location d'infrastructures et d'autres outils informatiques aux entreprises, l’unité Cloud Computing de Google se classe au troisième rang mondial, loin derrière Amazon et Microsoft. Les chiffres des activités de l’unité Cloud de Google ne sont pas connus, mais selon Reuters, c’est une activité cruciale que le géant de la Silicon Valley cherche à développer au-delà de la publicité numérique, source de près de 85 % de ses revenus. M. Kurian a déclaré à Reuters dans une interview qu'il était logique de doubler le nombre d'analyses alors qu'il cherchait à combler les lacunes dans son unité sur un marché très concurrentiel :
« Lorsque nous avons examiné comment nous élargissons notre portefeuille, [les données et l'analyse] constituent un segment où nous avons de la force ». Looker est « complémentaire et complète notre base analytique », a-t-il ajouté.
Reuters rapporte également que cette opération reflète l'intention de Kurian de gagner des clients avec des logiciels spécialisés, les concurrents se concentrant sur des outils plus généraux. Et BigQuery, un outil de gestion de grands ensembles de données, ayant déjà commencé à attirer les clients, selon les analystes de l'industrie du Cloud.
Lors d’une conférence de presse sur l’acquisition, Frank Bien, le PDG de Looker, a dévoilé quelques chiffres concernant son entreprise. Il a indiqué que l'entreprise compte aujourd'hui 1 600 clients et vient de franchir la barre des 100 millions de dollars de chiffre d'affaires, un jalon important pour toute entreprise de SaaS. De plus, selon le PDG, les revenus de l’entreprise continuent d'augmenter de 70 % d'une année sur l'autre.
Cette annonce intervient à un moment où l’étau antitrust se resserre de plus en plus autour de Google. L’entreprise, qui avait déjà été sanctionnée deux fois par les régulateurs de l’Union européenne, devra payer encore 1,7 milliard de dollars à l’UE pour ses pratiques publicitaires « illégales ». En effet, les résultats d’une enquête antitrust ouverte depuis 2016 par les régulateurs de l’UE accusent Google de comportement anticoncurrentiel dans l'industrie de la publicité en ligne. Selon es régulateurs, Google a abusé de sa position dominante sur le marché de la publicité en ligne par le biais de son activité AdSense depuis plus de 10 ans.
Toutefois, Google a mené quelques changements dans ses pratiques que l’UE n’a pas trouvés suffisants. Le mardi dernier, le géant de la recherche a fait appel de l'amende pour comportements anticoncurrenciels concernant sa régie publicitaire, et devrait être confronté aux régulateurs européens à Bruxelles dans les mois à venir afin de réfuter cette décision.
La Federal Trade Commission et le ministère de la Justice des etats-Unis se préparent également à enquêter sur Google et les autres géants du numérique – Amazon, Apple et Facebook. Selon un rapport publié le 1er juin par Reuters, le ministère américain de la Justice, qui conduit une nouvelle évaluation antitrust potentiellement sans précédent de Google, voudrait savoir si le géant de la technologie a enfreint la loi antitrust en exploitant ses vastes activités en ligne.
Dans un autre rapport du 3 juin, Reuters a rapporté que le gouvernement américain voudrait également déterminer si Amazon, Apple, Facebook et Google font un usage abusif de leur énorme pouvoir de marché. La Federal Trade Commission et le ministère de la Justice, qui appliquent les lois antitrust aux États-Unis, se sont partagé l’examen de ces quatre sociétés. Les principaux législateurs démocrates et républicains se sont félicités des enquêtes potentielles menées sur les grandes entreprises de technologie. « Leur pouvoir prédateur exige une enquête stricte et rigoureuse et une action antitrust », a écrit le sénateur du Connecticut sur Twitter. Mais cela n’empêche pas Google de continuer d’acheter d’autres entreprises.
L’achat de Looker intervient également dans un contexte où les appels au démantèlement des géants américains du numérique deviennent persistants. La sénatrice Elizabeth Warren, candidate démocrate aux élections présidentielles 2020, a fait la promesse, en mars dernier, de démanteler des géants de la technologie comme Amazon, Google et Facebook si elle était élue présidente des États-Unis afin de promouvoir la concurrence dans le secteur technologique. « Les géants n'ont pas le droit de racheter la compétition. La compétition a besoin d'avoir l'occasion de s'épanouir et de grandir », a-t-elle dit dans un discours.
D’autres personnes ont réitéré cet appel, telles que Tim Berners-Lee qui estime que le démantèlement des sociétés comme Facebook et Google devrait être envisagé face à leur ultra-domination ; la Commission européenne, et bien d’autres personnes et institutions. Mais au lieu de cela, Google continue à grandir et à devenir encore plus puissant.
Selon Reuters, Looker est l'un des meilleurs outils de business intelligence développés à l'ère du cloud computing et qu'il bénéficierait des ressources de Google, d’après les analystes. Boris Evelson, qui suit l'analyse des données pour Forrester Research, a qualifié l'achat de Looker de « choix intelligent ». M. Kurian a expliqué lors d’un événement, tôt le jeudi, que « La combinaison fournit une plateforme d'analyse de bout en bout pour connecter, collecter, analyser et visualiser les données sur Google Cloud, Azure, AWS, les bases de données sur site et les applications ISV ».
L’acquisition devrait être complétée plus tard cette année après l’obtention des approbations réglementaires. Mais M. Kurian a déclaré qu'il ne s'attendait pas à ce que l'opération fasse l'objet d'un examen antitrust parce que Google achète des logiciels, et non des données, et s'est engagé à permettre au logiciel de se connecter à Amazon et aux autres services concurrents en ligne.
Google domine déjà le marché de la publicité en ligne où il fait l’objet d’enquête, et cherche maintenant à améliorer son rang sur le segment Cloud. Obtiendra-t-il les approbations règlementaires pour l’acquisition de Looker, dans ce contexte d’enquête antitrust ?
Source : Google Cloud, Reuters
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