La FTC exige des données sur les rachats de sociétés de Google, Amazon, Apple, Facebook, Microsoft,
A cause des préoccupations de comportements potentiellement anticoncurrentiels
Les géants de la Silicon Valley ne divulguent pas toujours toutes leurs acquisitions, surtout lorsque les fusions et acquisitions concernent des petites entreprises dans le secteur très concurrentiel de la technologie. Cependant, ces opérations des grandes entreprises de la technologie pourraient poser des questions plus importantes sur la manière dont elles utilisent leur pouvoir financier et leur influence sur le marché de manière anticoncurrentielle.
Préoccupée par ce qu’elles pourraient s'engager injustement dans un comportement potentiellement anticoncurrentiel, la Commission fédérale du commerce (FTC) a émis des ordonnances spéciales à l'encontre de cinq grandes entreprises technologiques, en l’occurrence l'unité Google d'Alphabet, Amazon.com, Apple, Facebook et Microsoft, « leur demandant de fournir des informations sur les acquisitions antérieures non déclarées aux agences antitrust en vertu de la loi Hart-Scott-Rodino (HSR) », d’après le communiqué de la FTC.
Les cinq géants de la technologie devront faire preuve de transparence et rendre compte de chaque transaction qu'elles ont conclue - que les médias aient ou non divulgué les détails de l'acquisition – y compris les conditions (c'est-à-dire le prix et autres détails financiers), la portée, la structure et l'objectif de chaque transaction effectuée entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2019. Ces demandes surviennent alors que le ministère de la Justice, la FTC, les procureurs généraux des États et la commission judiciaire de la Chambre des représentants enquêtent sur les grandes plateformes technologiques, accusées d'utiliser injustement leur influence pour défendre leur part de marché ou s'étendre aux marchés adjacents.
En septembre dernier, dans le cadre de la vaste enquête antitrust qui cible ces entreprises aux États-Unis, un panel de la Chambre des représentants des États-Unis a exigé des courriels internes, des informations financières détaillées et d'autres dossiers d’entreprise de la part des dirigeants d'Amazon, Facebook, Apple, et de Google. Les demandes portaient sur des informations détaillées sur leurs opérations internes, y compris des données financières sur leurs produits et services, des discussions privées sur des cibles potentielles de fusion et des dossiers relatifs à « toute enquête préalable » à laquelle elles ont été confrontées pour des raisons de concurrence.
Dans un avis sur l'enquête partagé mardi, la FTC a déclaré :
« Les ordonnances aideront la FTC à approfondir sa compréhension des activités d'acquisition des grandes entreprises technologiques, notamment la manière dont ces entreprises déclarent leurs transactions aux agences antitrust fédérales, et à déterminer si les grandes entreprises technologiques procèdent à des acquisitions potentiellement anticoncurrentielles de concurrents naissants ou potentiels qui se situent en dessous des seuils de déclaration du HSR et n'ont donc pas besoin d'être déclarées aux agences antitrust ».
Joseph Simons, président de la FTC, a déclaré que les avis émis aux entreprises de haute technologie étaient destinés à la recherche, mais n'a pas exclu la possibilité de prendre des mesures rétroactives à l'égard de ces acquisitions passées. « Si, au cours de l'étude, nous constatons que certaines transactions sont problématiques, nous pourrions revenir en arrière et prendre des mesures coercitives pour traiter ces transactions », a déclaré M. Simons.
Les géants de la technologie ont fait l’objet de nombreux critiques de la part des deux partis politiques, les républicains étant irrités par ce qu'ils disent être un étouffement des voix conservatrices sur les médias sociaux et les démocrates étant furieux contre le pouvoir écrasant de ces entreprises. La sénatrice Elizabeth Warren, dans la course pour la candidature aux élections présidentielles 2020, a explicitement demandé aux régulateurs fédéraux d'annuler les « fusions anticoncurrentielles », notamment les achats de Whole Foods et Zappos par Amazon, l'achat de WhatsApp et Instagram par Facebook et les acquisitions de Waze, Nest et DoubleClick par Google.
La plupart des critiques des politiciens et acteurs du domaine de la technologie ont porté sur ces transactions concernant les acquisitions mentionnées ci-dessus, mais ces entreprises ont également dépensé des milliards pour des entreprises plus petites, ce qui a considérablement modifié le paysage concurrentiel dans les secteurs technologiques émergents, a rapporté Reuters.
« Ils ont créé un véritable marché des startups »
L'agence fédérale a demandé à chaque entreprise d'identifier les transactions trop petites pour être signalées à la FTC et au ministère de la Justice afin qu’elle évalue les fusions pour vérifier leur conformité avec la législation antitrust. Paul Holland, associé général de Foundation Capital, a déclaré que les achats fréquents de startups par les grands acteurs technologiques ont été une épée à double tranchant.
« Ils ont créé un véritable marché pour les startups. Ils ont créé une destination pour elles », a-t-il déclaré. Mais également, à cause du nombre limité d'acquéreurs potentiels, ils ont créé un « environnement concurrentiel oligopolistique » pour ces ventes, a rapporté Reuters.
Facebook a acquis des dizaines d'entreprises entre 2010 et 2019, selon les données de S&P Global Market Intelligence, y compris des acquisitions spectaculaires comme WhatsApp et Instagram ainsi que des transactions plus petites dans les domaines de la technologie publicitaire, de la reconnaissance faciale et de l'analyse sociale, selon Reuters. Google a dépensé des milliards de dollars pour un nombre indéterminé de petites acquisitions en 2019, y compris des opérations comme Fitbit pour 2,1 milliards de dollars et Looker pour 2,6 milliards de dollars, selon les dépôts de titres. Beaucoup étaient des entreprises travaillant sur la recherche en intelligence artificielle et les services de cloud computing, des domaines dans lesquels Google tente d'innover rapidement et a cherché à stimuler l'embauche.
Quant à Apple, à l'exception de son achat de 3 milliards de dollars de la société de casques d'écoute et de streaming Beats en 2014, la société a surtout fait de petites transactions évaluées à moins de 500 millions de dollars au cours de la dernière décennie, en s'emparant de petites entreprises travaillant sur des technologies clés telles que les écrans de réalité augmentée, les capteurs de caméra et les logiciels d'intelligence artificielle, dont Drive.ai. Microsoft a acquis, au cours de l'exercice 2019, 19 petites acquisitions pour 1,6 milliard de dollars, a rapporté Reuters. Ses acquisitions se sont focalisées sur le marché des logiciels de gestion, avec des acquisitions majeures telles que le réseau social LinkedIn pour les professionnels du monde des affaires et le site de dépôt de code GitHub.
Dans un communiqué, les responsables de la FTC ont affiché leur intention d’étudier « des centaines » d'acquisitions faites par les entreprises et de terminer leur étude « rapidement ». Mais Matt Stoller, directeur de recherche de l'American Economic Liberties Project et critique virulent des grandes entreprises technologiques, a déclaré : « Cela dépend de ce qu'ils en font ». « Je ne dirai pas que c'est bon tant qu'ils n'auront pas fait quelque chose qui aura un impact sur le pouvoir ».
La marche vers la notification préalable des plus petites acquisitions
Les ordonnances spéciales adressées aux entreprises sont également conçues pour identifier les domaines qui nécessitent une application plus stricte de la législation antitrust, d’après le communiqué de l’agence. Dans le communiqué, la FTC décrit comment elle veut utiliser les informations pour mieux informer sa politique, a-t-elle dit, et décider comment réformer ses politiques pour mieux les adapter aux pratiques du marché.
« La FTC dispose d'un droit légal, en vertu de la loi HSR, d'examiner les acquisitions et les fusions dépassant une certaine taille avant qu'elles ne soient réalisées, et l'étude aidera la Commission à déterminer si des opérations supplémentaires devraient être soumises à des obligations de notification préalable aux fusions », a-t-elle noté. « Les ordonnances contribueront aussi largement à la compréhension des marchés technologiques par la FTC, et soutiendront ainsi son programme d'application vigoureuse et efficace pour promouvoir la concurrence et protéger les consommateurs sur les marchés numériques ».
Cela voudrait dire essentiellement que certains petits contrats qui échappaient à la procédure de la notification préalable devront être déclarés de la même manière que les grandes entreprises déclarent les contrats plus importants. Jusqu'à présent, les entreprises n'étaient pas tenues de communiquer certains détails sur les opérations - ou même les opérations elles-mêmes - à moins qu'elles n'aient un impact important sur l'entreprise, comme le précise la loi Hart-Scott-Rodino.
La FTC a noté que ce qu'elle exige comprend le même type de détails que ceux qui sont généralement demandés dans le cas du HSR, notamment « des informations et des documents sur les stratégies d'acquisition de l'entreprise, les accords de vote et de nomination au conseil d'administration, les accords pour l'embauche de personnel clé d'autres entreprises, et les engagements post-emploi de ne pas faire concurrence. Enfin, les ordonnances demandent des informations relatives au développement et à la tarification des produits après l'acquisition, notamment si et comment les actifs acquis ont été intégrés et comment les données acquises ont été traitées », lit-on dans l’avis de l’agence.
Attendons de voir si cette enquête empêchera Google et les autres géants de la Silicon Valley de continuer à absorber les startups technologiques.
Source : FTC
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