L’électronique représente « le flux de déchets qui croît le plus rapidement dans le monde »
avec environ 50 millions de tonnes produites en 2018, selon PACE
Avec le développement des moyens de production, de nombreux appareils électroniques aussi divers que variés sont fabriqués quotidiennement par les entreprises. Et chaque jour, de nouvelles entreprises s’ajoutent à la liste de celles déjà existantes afin de proposer de produits technologiques nouveaux ou déjà disponibles sur le marché. Face à cette production de masse, il faut impérativement un marché pour absorber tous ces produits électroniques qui sont fabriqués quotidiennement. Pour résoudre l’équation, l’on assiste à une obsolescence programmée des dispositifs électroniques.
Certains fabricants par exemple conçoivent leurs produits avec une durée de vie limitée afin d’amener les consommateurs à renouveler rapidement l’achat des mêmes produits dans un intervalle de temps réduit. D’autres entreprises choisissent par exemple de précipiter l’achat de leurs nouveaux produits en provoquant un dysfonctionnement sur les anciens appareils toujours fonctionnels détenus par les consommateurs. Ainsi, nous avons par exemple Apple qui fait face à plus de 26 procès après avoir admis ouvertement qu’elle avait provoqué le ralentissement des iPhone dont les batteries sont vieillissantes pour soi-disant éviter que les appareils se déchargent rapidement après les avoir utilisés à pleine puissance. Vu que ces ralentissements pourraient faire croire à certains utilisateurs que leur iPhone a atteint leur fin de vie, ces utilisateurs seraient donc tentés de se débarrasser de leur appareil pour acquérir un plus récent. Mécontents de ces agissements, les utilisateurs ont formé des recours collectifs contre Apple en France, en Israël et aux États-Unis. Mais, il n’y a pas qu’Apple qui s’adonne à ce genre de pratique. Samsung également a été épinglé pour avoir poussé les propriétaires des smartphones Note 4 à installer une nouvelle version d’Android prévue pour le Note 7. Cela a bien évidemment occasionné des dysfonctionnements sur ce modèle d’appareil.
En plus de faire croire aux utilisateurs que leurs produits souffrent de défauts afin de les pousser à les abandonner pour acquérir le tout dernier modèle, les entreprises ne facilitent pas du tout la tâche aux utilisateurs qui souhaiteraient conserver leurs appareils même lorsque ceux-ci présentent des défauts. En effet, lorsqu’un appareil tombe en panne, le premier réflexe est de le réparer soi-même ou de le faire réparer par une personne compétente et surtout à moindre coût. Le problème est que de nombreux fabricants d’appareils électroniques mettent en place des verrous logiciels ou matériels et quand ils le peuvent, ils utilisent des arguments discutables ou même la loi pour obliger les utilisateurs à se tourner vers eux pour réparer leurs appareils défectueux. Il est donc impossible de réparer soi-même des appareils achetés ou de les faire réparer par des réparateurs indépendants. En se tournant vers les fabricants, les utilisateurs constatent dans la majeure partie du temps que les frais de réparation sont exorbitants et ce serait une bien meilleure décision que d’investir dans un modèle neuf et récent que dans un vieil appareil. Ainsi, de nombreux produits qui sont encore utilisables ou récupérables se retrouvent à la décharge publique accroissant ainsi les déchets électroniques générés au quotidien.
Les téléphones, les télévisions à tube cathodique, les ordinateurs, les réfrigérateurs, les aspirateurs, etc. sont chaque jour mis au rebut alors qu’ils pourraient encore servir. Afin de faire changer les choses, la plateforme pour accélérer l’économie circulaire (abrégée PACE en anglais) a été créée. Elle regroupe une coalition de plus de 50 dirigeants et est coprésidée par les dirigeants de Royal Philips, du Fonds pour l’environnement mondial et de l’ONU Environnement. À Davos, où vient de s’achever le Forum économique mondial, la coalition a présenté son premier rapport sur les déchets électroniques. Dans ce rapport, PACE souligne que « les déchets électroniques constituent désormais le flux de déchets qui connait la croissance la plus rapide au monde ». La plateforme ajoute qu'on « estime que ce flux de déchets a atteint 48,5 millions de tonnes en 2018 ».
Un fait important à souligner est que la plupart des déchets électroniques et électriques proviennent des pays comme L’Australie, l’Union européenne, le Japon, l’Amérique du Nord et la République de Corée du sud. « Aux États-Unis et au Canada, chaque personne produit environ 20 kg de déchets électroniques par an, contre 17,7 kg dans l’UE. Pourtant, les 1,2 milliard d’habitants du continent africain ne génèrent en moyenne que 1,9 kg de déchets électroniques ». Mais ironiquement, ces déchets finissent par atterrir dans des endroits comme la Côte d’Ivoire, le Nigéria, l’Inde, la Chine, l’Europe de l’Est, le Brésil qui payent le prix fort à cause du mauvais mécanisme de traitement de ces déchets.
Dans de nombreux pays, surtout les pays en voie de développement, les hommes, les femmes et même les enfants sont exposés à de nombreuses maladies en tentant de recycler les éléments de valeur comme le cuivre et l’or contenus dans les déchets électroniques. Cela provoque de nombreuses maladies congénitales et la mortalité infantile dans bien des cas. « Des éléments toxiques se retrouvent dans les flux sanguins des travailleurs informels sur les décharges de déchets électroniques lorsque la combustion à ciel ouvert est utilisée pour récolter des métaux », a fait remarquer le rapport. À coté de ces problèmes, le rapport note également que ces déchets peuvent également contaminer le les eaux souterraines, le sol et l’air, ce qui a un impact très négatif sur l’environnement à long terme. Selon les estimations de PACE, « la valeur matérielle [des déchets électroniques] représente à elle seule 62,5 milliards de dollars, soit trois fois plus que la production annuelle des mines d’argent du monde et plus que le PIB de la plupart des pays ».
Pour Nathan Proctor, responsable du groupe de défense des droits des consommateurs US PIRG, un des moyens efficaces pour régler ce problème serait d’accorder aux utilisateurs le droit de réparer leurs appareils. « La conclusion évidente est que notre relation avec l’électronique grand public est déréglée », a-t-il déclaré, en ajoutant que « la réparation est un élément essentiel de notre relation avec ces produits et est plus efficace que le recyclage. Les gens doivent être habilités à réparer leurs propres affaires. Nous avons trop de déchets dans le monde pour que seules les sociétés qui fabriquent les produits les réparent. Cela a toujours été la manière dont les appareils étaient maintenus jusqu’à tout récemment ». Ce point de vue est partagé aussi bien par les utilisateurs que les décideurs dans plusieurs pays. Actuellement, au moins 18 États aux États-Unis ont engagé des procédures en vue d’adopter le Fair repair Act, la loi permettant aux utilisateurs et aux réparateurs indépendants de réparer les appareils fabriqués par les entreprises. Mais en Europe, la volonté de régler ce problème semble encore plus pressante, car l’Union européenne a adopté depuis le début de ce mois des lois qui obligent les fabricants de produits de consommation, y compris l’éclairage, les présentoirs, les machines à laver, les lave-vaisselles et les réfrigérateurs à concevoir des appareils facilement réparables et qui durent plus longtemps. Cette loi devrait entrer en vigueur en 2021.
Source : Motherboard, Rapport de PACE (PDF)
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