« C’est pas cher, c’est l’État qui paye. » Décodons le Decodex des Décodeurs du Monde.
La révolte des Gilets jaunes a un grand mérite : elle permet de lancer un grand débat public sur la fiscalité, le sens de l’impôt et les dépenses publiques.
Voulant se défendre, les partisans de l’État tentent de nous expliquer tout ce que celui-ci fait pour nous, et donc les raisons pour lesquelles nous devons être heureux d’être les champions du monde des prélèvements fiscaux.
Dernier en date, les décodeurs du journal Le Monde, qui nous expliquent, graphique à l’appui, que c’est gratuit, c’est l’État qui paie.
C’est une très bonne idée de montrer le vrai prix des choses. Mais pourquoi distinguer le prix payé par le citoyen et celui payé par l’État ? L’argent public n’existe pas. Quand l’État paye, c’est avec les sommes prélevées sur le citoyen via les impôts et les taxes. Si tout est gratuit, on se demande bien pourquoi nous payons autant d’impôts. Et si ce n’est pas le cas, alors les Decodex trompent plus qu’ils n’informent. D’où l’utilité de décoder les Decodex.
Pour être complet, il faudrait aussi faire un comparatif de ces prix. Alors, faisons-le.
Faire garder son enfant
514 euros par mois pour une personne agréée, pour un temps de garde moyen de 139 heures, soit 32 heures par semaine. L’État « paye » donc 319 euros via des aides diverses (allocations et crédit d’impôt, etc.).
Imaginons que cela n’existe pas et que les parents confient leur enfant à une nourrice privée. Celle-ci pourrait s’occuper chez elle de sept enfants (en maternelle il y a en moyenne 19 élèves par classe). Pour un revenu de 2 000 euros hors charge, elle devrait donc faire payer environ 285 euros par enfant. Avec une flat tax de 20 %, il lui faudrait gagner 2 600 euros brut pour arriver à 2 080 €euros net, soit un coût par enfant de 371 euros. À quoi il faut ajouter les frais de bouche (repas), d’entretien (couches, etc.) et de fonctionnement (chauffage, électricité, etc.). En tout cas, nous sommes bien loin des 514 euros mensuels.
Moins de charges sociales permettraient ainsi de développer davantage l’emploi à domicile, par exemple pour les gardes d’enfant.
La scolarité
Encore une fois le document explique que l’école est gratuite. Bien sûr. Comme chacun sait, les professeurs sont bénévoles et les bâtiments se construisent tout seuls. Si c’est gratuit, cela donne raison aux Gilets jaunes : « Où passe notre argent ? ». Ce que le graphique oublie de dire c’est que dans le privé, un élève coûte deux fois moins cher que dans le public. Il pourrait aussi préciser qu’entre 1980 et 2017, les dépenses intérieures d’éducation ont augmenté de 108 %, pour atteindre près de 155 milliards d’euros.
La santé, gratuite elle aussi
Vient ensuite la santé, elle aussi tellement gratuite que l’on en vient à se demander pourquoi nous payons tant d’impôts ?
3 200 euros en moyenne pour des frais d’hospitalisation et 485 euros pour l’achat de médicaments. Selon la Drees, chaque personne dépense en moyenne 2 977 euros par an pour sa santé. Mais combien paye-t-on ?
Sur le salaire médian complet, soit 3 220 euros par mois, l’ensemble des cotisations de santé représente environ 1 480 euros (maternité, invalidité, santé, décès, CSG, etc.). Cela ne prend pas en compte la partie payée à la Sécurité sociale pour la branche retraite. Si bien que deux mois de cotisation suffisent à couvrir les dépenses annuelles de santé. Les 15 000 euros restant pourraient servir à payer une mutuelle ou bien à mettre de l’argent de côté en cas de grosses maladies (cancer, etc.).
Et la dette, c’est pour qui ?
Reste le cas de la SNCF, dont il est bon de savoir que l’on ne paye que la moitié du prix réel du billet. Pour les transports en commun franciliens, c’est le tiers seulement. C’est-à-dire que le train coûte aussi cher qu’un vol européen et moins cher que la voiture. Surtout, le graphique ne mentionne pas le cas de la dette de la SNCF — 47 milliards d’euros tout de même — que le gouvernement s’est engagé à reprendre, c’est-à-dire à faire payer aux Français via l’impôt. À quoi s’ajoute le paiement des infrastructures et de l’entretien. Le coût réel du billet de train nationalisé est donc beaucoup plus cher.
À titre de comparaison, un Paris-Rome avec Thello coûte 90 euros et un Paris-Bruxelles avec Thalys autour de 50 euros (pour la classe standard, avec réservation à l’avance).
La SNCF n’est donc pas compétitive, en dépit de ses larges subventions reçues de l’État.
Partager