Le PDG d’Apple fustige la course à la collecte de données qui s’est muée en un « complexe industriel de données »
et appelle à une législation US pour la protection des données
Alors que le monde est de plus en plus façonné par les nouvelles découvertes technologiques, s’il est une chose qui progresse parallèlement à ces évolutions technologiques, c’est la collecte de données à des fins commerciales. Et depuis quelques années, en plus des entreprises légales qui font des pieds et des mains pour agréger le maximum d’informations personnelles des utilisateurs, les acteurs malveillants ne lésinent pas non plus sur les moyens pour s’approprier ces données afin de les utiliser dans leurs desseins néfastes.
Conscients de l’enjeu qui tourne autour de la collecte de ces informations à caractère personnel, de nombreux intervenants et participants ont été invités cette année à la Conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée qui se tient depuis quelques jours à Bruxelles. Après quasiment 40 années d’existence, c’est la première fois, qu’une institution de l’Union européenne (UE) a été choisie pour héberger cette conférence.
Comme intervenants lors de cette conférence, nous avons eu des invités comme le roi d’Espagne, Giovanni Buttarelli, le contrôleur européen de la protection des données, mais aussi, Sundar Pichai, PDG de Google ou encore Tim Cook, le PDG d’Apple. Mais parmi un des orateurs qui s’est fait le plus remarquer par le contenu de son discours est Tim Cook qui a donné un discours liminaire à l’ouverture de la session publique.
Dans son discours, Tim Cook a ouvertement fustigé la course à la collecte d’informations privées en soulignant que cela a conduit à un « complexe industriel de données » dans lequel les informations privées et quotidiennes sont « transformées en armes contre nous avec une efficacité militaire ». Il ajoute que « les plates-formes et les algorithmes qui ont promis d’améliorer nos vies peuvent en réalité magnifier nos pires tendances humaines ». Pour lui, la mauvaise exploitation de ces données confidentielles a permis aux acteurs malveillants et même à certains gouvernements de profiter « de la confiance des utilisateurs pour approfondir les divisions, inciter à la violence et même saper notre sentiment commun de ce qui est vrai et de ce qui est faux ». « Cette crise est réelle. Ce n’est pas imaginaire, ni exagéré, ni fou », ajouta-t-il.
Même si Tim Cook n’a pas formellement mentionné le nom des entreprises qui font de la collecte de ces données leur business modèle, l’on pourrait entrevoir assez facilement que les faits dénoncés ici par le PDG d’Apple font référence à Google, dans l’agrégation des données de masse ou encore à Facebook avec le scandale de Cambridge Analytica, dans lequel les données personnelles de millions d’utilisateurs du réseau social ont été recueillies par une société de conseil dans le but d’influencer les opinions politiques des utilisateurs.
Avec l’évolution dans le domaine de l’intelligence artificielle, la collecte des données pourrait se renforcer davantage. À ce sujet, Tim Cook explique qu’à la base, « cette technologie promet d’apprendre individuellement avec les gens pour profiter à tous ». « Mais faire progresser l’IA en collectant d’énormes profils personnels, c’est de la paresse et non de l’efficacité », souligne le CEO. Selon lui, « pour que l’intelligence artificielle soit vraiment intelligente, elle doit respecter les valeurs humaines, y compris la vie privée. Si nous nous trompons, les dangers sont profonds. Nous pouvons atteindre une grande intelligence artificielle et de grandes normes de confidentialité. Ce n’est pas seulement une possibilité, c’est une responsabilité ».
Aussi, vu les avancées positives en matière de protection des données après la « mise en œuvre réussie » de la nouvelle loi sur la confidentialité des données, le GDPR, Tim Cook n’a pas manqué de célébrer le travail des régulateurs de l’UE, mais aussi d’autres pays pour la protection des données des utilisateurs. Pour Tim Cook, il est temps que le reste du monde suive l’exemple européen. Et pour joindre l’acte à la parole, le PDG a appelé à la mise en œuvre d’une loi sur la protection de la vie privée aux États-Unis. Comme base de cette loi, Tim Cook a proposé 4 droits fondamentaux qui devraient être inscrits dans cette législation :
- le droit à la minimisation des données à caractère personnel, ce qui signifierait pour les entreprises de ne pas identifier les données des clients ou de ne pas les collecter ;
- le droit pour les utilisateurs de savoir quelles données sont collectées à leur sujet ;
- le droit pour les utilisateurs d’accéder facilement à leurs données afin de pouvoir obtenir une copie, corriger et supprimer leurs données personnelles ;
- le droit de conserver ces données en toute sécurité.
Enfin, le PDG d’Apple s’est voulu insistant sur le fait que certaines voix soutiendraient que les entreprises ne pourraient jamais atteindre le véritable potentiel de la technologie si les règles de confidentialité étaient renforcées. Pour lui, « cette notion n’est pas simplement fausse, elle est destructrice ».
À la suite de ce discours, plusieurs réactions se sont dégagées. Pour certaines personnes, le discours du PDG vient à point nommé et contribuera à éveiller davantage les consciences sur les mesures à prendre aussi bien aux États-Unis que dans les autres régions du globe pour protéger les données des utilisateurs. Mais pour d’autres personnes, ce discours sonne faux de la part d’un homme qui gagne des millions de dollars en vendant à Google le droit d’être le moteur de recherche par défaut sur l’iPhone alors que l’on connaît le modèle d’affaires du géant de la recherche. Pour ce dernier groupe d’utilisateurs, Tim Cook ne devrait pas jouer les défenseurs des droits des utilisateurs après s’être installé en Chine tout en sachant que les informations des utilisateurs sur iCloud peuvent être facilement obtenues par les autorités chinoises sur leurs ressortissants.
Source : Conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée
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Selon vous, l’analyse faite par le PDG d’Apple est-elle réelle ?
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