La France est poursuivie par le propriétaire d'origine de france.com,
pour détournement de nom de domaine
En 1994, Jean-Noël Frydman a acheté le nom de domaine France.com dans l’idée de créer une agence de voyages pour les personnes situées aux États-Unis qui sont désireuses de se rendre en France. Pendant plus de deux décennies, cette vitrine a gagné en popularité et a collaboré avec de nombreuses agences officielles françaises, dont le Consulat général de France à Los Angeles, mais également le ministère des Affaires étrangères.
Cependant, vers 2015, ce même ministère a intenté un procès en France dans le but d'arracher le contrôle du domaine France.com à Frydman. Durant cette procédure, Web.com, le fournisseur chez qui Frydman a acheté le domaine l’a verrouillé. Frydman a alors bénéficié du soutien de nombreuses entités comme le Centre Berkman Klein de la Harvard Law School qui a demandé à Web.com de déverrouiller ce domaine.
« Pour les raisons citées ci-dessous, France.com pense que Web.com a malencontreusement bloqué son nom de domaine à cause d’une mauvaise compréhension d’un différend dans un autre pays », peut-on lire dans la lettre adressée à Web.com le 15 avril 2016 et qui demande que le domaine soit déverrouillé.
« Le site a gagné quatre récompenses de l’office du tourisme du gouvernement français, Atout France, et monsieur Frydman a servi au sein du conseil d’administration de la branche américaine d’Atout France jusqu’en septembre 2015 », a rappelé la lettre.
« Après des années de coopération entre le gouvernement français et notre client, le pays a envisagé de lui racheter ce nom de domaine pour son propre compte. Lorsqu’il est devenu évident que le gouvernement n’était pas disposé à payer le prix équitable, il a alors entrepris d’exproprier le nom de domaine france.com de notre client en s’appuyant sur une théorie légale complètement nouvelle qui, à notre connaissance, n’avait jamais été évoquée par la France auparavant. »
En effet, en 2017, la cour d’appel de Paris a estimé que France.com violait le droit français des marques. Les avocats représentants l’État ont alors écrit à Web.com pour que France.com soit transféré. Web.com s’est finalement exécuté le 12 mars dernier et a transféré le nom de domaine au ministère français des Affaires étrangères.
Toutefois, Jean-Noël Frydman n’en a pas reçu une indication officielle. D’ailleurs, il n’a reçu aucune compensation.
« Je suis probablement [l'un des clients les plus anciens de Web.com] », a déclaré Frydman. « Je suis avec eux depuis 24 ans ... Il n'y a jamais eu de cas contre France.com, et ils l'ont fait sans le moindre avertissement, je n'ai jamais été traité comme ça par n'importe quelle entreprise dans le monde. Si cela m'est arrivé, cela peut arriver à n'importe qui. »
Le 19 avril, Frydman a déposé une plainte fédérale en Virginie dans le but de récupérer son nom de domaine. La plainte est déposée contre la République française, Atout France (l'Agence de développement touristique de la France, unique opérateur de l'État dans le secteur du tourisme), le ministère des Affaires étrangères, le ministre lui-même (Jean-Yves Le Drian) et VeriSign.
Web.com n’a pas été cité. Cependant, l'entreprise semble avoir pris l'initiative de tenir compte de la décision judiciaire française et de transférer le nom de domaine de France.com sans y opposer la moindre résistance.
Dans la plainte de Frydman, déposée au civil, nous pouvons lire :
« Avant les incidents dénoncés dans cette action en justice, les défendeurs ne s'opposaient ni ne contestaient la propriété ou l'utilisation de <France.com> par le plaignant. Au contraire, et comme cela a déjà été démontré dans la pièce A, les défendeurs ont reconnu publiquement le demandeur comme étant un chef de file dans l'industrie du tourisme.
« En 2015, les défendeurs ont commencé à manifester un intérêt à posséder le nom de domaine <France.com> et à l'exploiter pour leur propre usage.
« Les défendeurs n'ont pas demandé à acheter ou à obtenir une licence pour l’exploitation du domaine, de la marque de commerce ou de l'entreprise sous-jacente et l'achalandage du demandeur. Au lieu de cela, en 2015, les défendeurs ont abusé du système judiciaire français pour saisir le plaignant du domaine sans compensation, selon la théorie erronée selon laquelle les défendeurs étaient intrinsèquement habilités à prendre le domaine parce qu'il incluait le mot “France”.
« Les défendeurs savaient qu'ils n'avaient pas, et n'ont pas, droit au mot "France", comme en témoigne l'enregistrement de la marque déposée par le défendeur Atout France n° 4027580, déposé en 2009, dans lequel les défendeurs ont expressément renoncé au droit exclusif France de ce mot.
« Dans le cadre du procès français en la matière, l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a reconnu que le gouvernement français n'aurait pas pu enregistrer <France.com> comme nom de domaine en 1994, lorsque le demandeur l'a acquis, étant donné que l'espace de noms ".com" était expressément réservé aux entreprises privées. »
La plainte accuse la France de faire du cybersquatting sur France.com et de « détournement de nom de domaine », entre autres allégations.
Sources : plainte de Frydman, décision de la Cour d'appel de Paris (22 septembre 2017), intervention de la Harvard School Law (15 avril 2016), intervention des avocats demandant la restitution du nom de domaine (8 novembre 2017)
Et vous ?
Qu'est-ce qui peut, selon vous, expliquer cette décision du gouvernement de saisir ce nom de domaine ?
Au vu de ces éléments, en faveur de qui penchez-vous le plus ? Pour quelles raisons ?
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