Les gouvernements auraient-ils surestimé le retour économique des études supérieures ?
un diplôme est devenu une obligation plus qu'un choix
L’avancée rapide de l’automatisation et l’avènement de la globalisation ont profondément marqué les marchés de travail en occident. Le degré de mutations peut être relevé en observant le rythme de disparition d’emplois réservés autrefois à la classe moyenne. Aux États-Unis, les salaires des cols bleus sont largement restés figés au même niveau que les années 70, alors que les salaires des diplômés d’université sont montés en flèche.
Constamment, des experts et de hauts profils de la Silicon Valley mettent en garde contre l’avancée rapide de la technologie, surtout de l’intelligence artificielle. Selon eux, ce progrès rapide et effréné sera dévastateur pour les employés peu qualifiés. Les études sur ce sujet ne manquent pas, mais une étude réputée de Carl Benedikt Frey et Michael Osborne de l’université d’Oxford estime que 47 % des emplois aux États-Unis pourraient être automatisés durant les deux prochaines décennies. D’un autre côté, le spectre du chômage en masse et l’augmentation de l’inégalité des revenus ont poussé beaucoup de décideurs politiques à voir l’investissement dans l’université comme la clé de la prospérité économique.
Les gouvernements ont plusieurs raisons pour investir dans les universités et encourager les études supérieures, mais la raison la plus apparente est peut-être la différence du niveau de primes salariales entre les diplômés et ceux qui n’ont pas de diplôme. Dans leur livre « The Race between Education and Technology » (La course entre éducation et technologie), Claudia Goldin et Lawrence Katz de l’université de Harvard montrent que les salaires ont baissé durant la première moitié du XXe siècle aux États-Unis du fait que les universités ont augmenté le nombre d’inscriptions, mais dès les années 80, ils sont repartis à la hausse. Bien que les salaires aient commencé à se stabiliser durant les dernières années, le fait que les diplômés d’université gagnent encore 70 % plus que les non-diplômés suggère que la demande de profils qualifiés dépasse toujours largement l’offre.
Malgré tous ces facteurs combinés, les gouvernements pourraient avoir tort de privilégier à tout prix les études supérieures comme un ascenseur social et une solution au problème de chômage. En effet, certains se demandent s’il n’y a pas eu une surestimation de l'intérêt économique des études supérieures. Les universités sont des endroits pour acquérir le savoir certes, mais il ne faut pas non plus oublier les mécanismes sociaux qui gouvernent aussi le choix et la prise de décision chez les individus. Le fait que les diplômés des universités gagnent plus n’est pas une surprise en soi, ils sont plus brillants et plus studieux la plupart des cas. Quelques professions comme la médecine et l’ingénierie requièrent un haut niveau de formation technique, mais beaucoup d’autres professions n’ont pas cette exigence. À titre d’exemple, les diplômés en sciences humaines étudient souvent des cours qui n’ont rien à voir avec leur carrière, toutefois, ils ont tendance à gagner plus s’ils sont admis dans des institutions prestigieuses pour leurs études. Cette réalité suggère qu’une autre raison pour aller à l’université est de prendre de l’avance et s’assurer une place confortable dans le marché de travail après les études. Bryan Caplan, un économiste de l’université de George Mason estime qu’avoir un diplôme est comme le fait de « se lever dans un concert », cela vous permet d'améliorer votre champ de vue, mais aux dépens du confort de ceux qui regardent le spectacle derrière vous.
Dans les pays de l’OCDE, un club qui comprend essentiellement des pays riches, 43 % des adultes âgés entre 25 et 34 ans ont un diplôme d’enseignement supérieur, cette proportion était de 23 % seulement en 1995. Malgré cette hausse, il est difficile de cerner les gains économiques apportés par ces diplômes. Selon The Economist, depuis les années 1970, la part des employés avec un diplôme a virtuellement augmenté dans chaque emploi. Mais les salaires moyens ont baissé en termes réels. L’omniprésence du diplôme comme un prérequis a transformé le fait d’aller à l’université en une obligation plus qu’un choix.
Un autre facteur aussi important est l’adéquation du profil individuel avec les études supérieures. Plusieurs personnes ne sont tout simplement pas adaptées à l’apprentissage en université, or, la plupart des estimations des retours économiques de l’éducation ne prennent pas en considération ce facteur et assument que tous les étudiants vont décrocher leur diplôme. En réalité, environ 30 % des étudiants en Europe et 40 % aux États-Unis vont lâcher les études avant d’avoir leurs diplômes, ce qui fait que les retours économiques espérés des études en universités pour les étudiants moyens sont beaucoup inférieurs aux estimations communément acceptées. Les gouvernements doivent surement se soucier de la formation des employés dans le futur, mais il ne faut pas tout miser sur l’université.
Le diplôme est devenu pour beaucoup un signal fort d’employabilité, mais ça n’empêche que certaines professions, notamment dans le domaine informatique, ont réussi à se démarquer avec le recours à l’autoformation. Ainsi, beaucoup de développeurs autodidactes réussissent à intégrer le marché de travail sans souci et gagnent autant, voire plus que leurs pairs diplômés, surtout s’ils travaillent en freelance.
Dans le domaine de l’informatique, si l’on admet que l’impact économique de l’éducation (surtout celle de l’État) est souvent gonflé, on est amené à se demander si l’État doit continuer à investir davantage pour former plus d’ingénieurs. Le gouvernement ne doit-il pas plutôt encourager l’autoformation dès un jeune âge, car une chose est sûre, il y aura toujours un besoin important de personnes capables d’écrire du code et de programmer dans le futur.
Source : The Economist
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Faut-il former plus de diplômés en enseignement supérieur en informatique (ingénieur, Master), ou bien c'est inutile, voire néfaste ?
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