Le CEO de DuckDuckGo dénonce l’agrégation des données par Google et Facebook,
Les utilisateurs devraient-ils condamner ou encourager cette pratique ?
À l’ère du numérique, nombreuses sont les entreprises qui représentent les données comme la nouvelle richesse. Et pour cause, la majeure partie des entreprises ont bâti leurs activités autour de ces données. C’est donc en connaissance de cause que les entreprises cherchent à posséder le maximum de données sur les individus, les entreprises, les produits.
Aussi, en considérant les avantages que confèrent ces données, les entreprises n’hésitent pas à mettre en œuvre sur la toile des outils permettant de collecter un maximum de données sur les utilisateurs, ce qui ne se fait pas sans conséquence. Vu les effets induits par le désir d’acquérir le maximum d’informations sur les utilisateurs, un projet baptisé Princeton Web Transparency & Accountability Project a été initié afin de déterminer avec plus de précision quelles données les entreprises collectent, comment elles le font et ce qu’elles font avec ces données.
Pour parvenir à leurs fins, les initiateurs du projet ont utilisé l’outil OpenWPM conçu de toute pièce afin de pouvoir faciliter l’automatisation des tâches comme la simulation des actions des utilisateurs, l’enregistrement des observations et l’analyse des résultats. Et pour ces recherches, les développeurs de l’outil ont couplé OpenWPM au navigateur Firefox. Après avoir observé le fonctionnement d’environ 1 million de sites web les plus visités, l’équipe en charge du projet est parvenue à détecter un certain nombre de méthodes obscures utilisées par les entreprises pour collecter les données sur les utilisateurs. Ces méthodes incluent l’exploitation de l’empreinte digitale de navigateur ou de l’appareil de l’utilisateur comme l’utilisation abusive de l’API WebRTC, de l’API de l’état de la batterie, etc., ce qui rend les outils de protection de la vie privée désuets.
De manière globale, l’étude révèle que 76 % des sites web contiennent maintenant des trackers Google cachés contre 24 % de trackers cachés pour Facebook. En troisième position, nous avons 12 % de sites qui contiennent des trackers Twitter cachés. Cela sous-entend que lorsque vous utilisez des produits Google, Facebook ou Twitter, vous actions sont suivies par ces entreprises et lorsque vous n’utilisez pas leurs produits et que vous visitez des sites tiers, vous êtes toujours dans le champ de surveillance de ces grandes entreprises.
Selon les résultats des recherches, Google et Facebook, pour ne citer que ces deux entreprises, « ont accumulé d’énormes profils de données sur chaque personne, ce qui peut inclure vos intérêts, vos achats, vos recherches, votre historique de navigation et de localisation, et bien plus encore… ». Avec ces données, ces entreprises qui occupent des places de choix dans le domaine de la publicité numérique peuvent offrir des publicités beaucoup plus ciblées que la concurrence. Si ces deux entreprises représentent à elles seules 63 % de la publicité numérique avec une courbe d’activités qui pointe vers le haut année après année (selon eMarketer), il va sans dire que les données des utilisateurs sont au fil des années collectées en grande quantité et utilisées avec plus de précision.
Selon les résultats de cette étude, Google et Facebook utilisent également les données des utilisateurs comme entrées pour leurs algorithmes d’intelligence artificielle de plus en plus sophistiqués qui placent les utilisateurs dans une bulle de filtrage — un univers numérique alternatif qui contrôle ce que les utilisateurs voient dans leurs produits, selon ce que leurs algorithmes pensent le plus probable. Dans ce sens, l’utilisateur pourrait être guidé non plus par ses propres besoins ou envies, mais plutôt par ce qui lui est présenté par l’entreprise. Et s’il ne s’agissait non pas de produit de consommation, mais plutôt d’informations sur tel ou tel sujet, les utilisateurs pourraient être orientés dans un sens qui pourrait ne pas être ce qui leur sied.
Face à ces conséquences, certaines personnes, comme le CEO du moteur de recherche DuckDuckGo, avertissent de ne pas se laisser berner par des prétentions d’autorégulation, car selon ces personnes, toute réforme utile à long terme des pratiques de Google et de Facebook en matière de protection des données s’oppose fondamentalement à leurs principaux modèles commerciaux : publicité hyper ciblée basée sur une surveillance personnelle de plus en plus intrusive. Sous cet angle, cette catégorie de personnes estime que le changement doit venir de l’extérieur.
En attendant que les gouvernements prennent des décisions contraignantes pour freiner l’intrusion dans la vie privée des utilisateurs par ces entreprises, souligne Gabriel Weinberg, CEO et fondateur de DuckDuckGo, les utilisateurs devraient prendre les choses en main. Le CEO préconise d’ores et déjà l’utilisation d’autres moteurs de recherche, tandis que d’autres mettent en avant l’utilisation d’extensions dans les navigateurs pour bloquer les trackers cachés de Google et Facebook. D’autres vont encore plus loin en soulignant que l’on devrait délaisser Google et Facebook. Est-ce possible ? La question reste posée.
Mais tandis que de nombreuses personnes voient à travers l’utilisation de ces données de mauvaises pratiques qui tendent à mettre à mal la vie privée, la concurrence et à imposer des opinions tierces, d’autres par contre estiment que l’agrégation des données par ces entreprises contribue à offrir une expérience plus personnalisée et ne contribue aucunement à violer la vie privée. L’argument principal soutenu par ces personnes est qu’elles n’ont rien à cacher. Bien au contraire ! En exploitant leurs données, les entreprises leur fourniraient des produits beaucoup plus précis qui leur permettront d’obtenir assez rapidement ce qu’elles recherchent sur la toile.
Face à ces deux positions, pensez-vous que l’on doit agir pour mettre fin à la surveillance des utilisateurs par ces entreprises ou plutôt pensez-vous que la surveillance de masse rapportée par certaines personnes relève de la paranoïa ?
Source : CNBC, Princeton University
Et vous ?
Selon vous, ce rapport présente-t-il de réelles menaces pour la vie privée ou est-ce de la paranoïa ?
Que pensez-vous que les utilisateurs pourraient faire pour lutter contre l’intrusion dans leur vie privée par ces entreprises ?
Pensez-vous que l’on puisse se passer de Google et Facebook dans cette ère numérique ?
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