Censure en Chine : Apple a décidé de retirer l'application du New York Times de son app store,
parce que Beijing a évoqué une violation des règles locales

Le régime de censure de l’internet en Chine n’est plus à démontrer : le gouvernement a déjà décidé de bloquer des centaines, voire des milliers, de sites étrangers qu’il percevait comme une menace. Parmi eux figurait également le New York Times dont le site web a été bloqué depuis 2012 lorsque le quotidien a publié un article dans lequel il donnait des détails sur la fortune de Wan Jibao et sa famille, qui était alors premier ministre, qu’elle établissait autour de 2,7 milliards de dollars.

La mère de Wen Jiabao était une simple institutrice du nord de la Chine, son père a élevé des porcs durant les campagnes maoïstes de travail forcé à la campagne, rappellait le journal dans son enquête. Force était de constater que Yang Zhiyun, la mère du Premier ministre qui était âgée de 90 ans en 2012, « n’est pas seulement sortie de la pauvreté, elle est de façon incontestable devenue riche ». Le quotidien a cité notamment un investissement datant de 2007 au nom de Mme Yang dans une société chinoise de services financiers, pour un montant de 120 millions de dollars.

« Dans de nombreux cas, les noms des proches (de Wen Jiabao) se dissimulent derrière plusieurs paravents et des vecteurs d’investissement impliquant des amis, des collègues de travail et des associés », assurait le New York Times. D’après son enquête, la famille de l’ancien chef du gouvernement possède des intérêts diversifiés dans des banques, des bijouteries, des stations touristiques, des compagnies de télécommunication et des projets d’infrastructure, en recourant parfois à des entités offshore.

Cette enquête, qui n’a pas été au goût de Pékin, lui a valu d’être censuré sur le territoire. Désormais, pour y accéder, les utilisateurs ne peuvent passer que par des canaux restreints parmi lesquels l’utilisation de VPN ou simplement en accédant directement à l’application du New York Times depuis son terminal mobile.

Mais, en juillet dernier, une loi formulée par l’administration du cyberespace chinois a interdit aux applications de faire des « publications ou diffusions d'informations ou de contenus interdits ». L’autorité a stipulé que les applications ne peuvent pas « s'engager dans des activités interdites par des lois et des règlements tels que mettre en danger la sécurité nationale, perturber l'ordre social et violer les droits et intérêts légitimes des autres ».

La conséquence ? En fin décembre, Apple a retiré l’application du New York Times de sa vitrine de téléchargement pour satisfaire les exigences des autorités de son troisième plus grand marché. Pour justifier le fait que les versions anglaises et chinoises du New York Times ont été retirées, Carolyn Wu et Fred Sainz, porte-paroles d’Apple, ont déclaré que « nous avons été informé que l’application était en violation avec la législation locale (...) par conséquent, l'application doit être retirée de l'app store Chine. Lorsque cette situation va changer, l'app store va de nouveau proposer l'application New York Times en téléchargement en Chine ».

Réclamant des explications, le Times s’est adressé aux porte-paroles qui ont décliné de répondre à la question de savoir exactement quelles lois le New York Times avaient violé. Le quotidien assure que ses bureaux à Beijing n’ont pas été contacté par le gouvernement chinois à propos de cette affaire. Raison pour laquelle Eileen Murphy, un porte-parole du NYT à New York, a demandé à Apple de reconsidérer cette décision. « La demande des autorités chinoises de retirer nos applications fait partie d’une ambition plus grande qui vise à empêcher les lecteurs en Chine d'accéder à une couverture médiatique indépendante par le New York Times de ce pays, une couverture qui n'est pas différente du journalisme que nous faisons sur tous les autres pays le monde », a déclaré Murphy dans un communiqué.

« Apple a précédemment retiré d'autres applications médias moins importantes de sa vitrine de téléchargement en Chine. Nous ne savons pas comment la société évalue les demandes de Pékin avant de se décider à supprimer des applications ou s’il lui arrive même de résister », a indiqué le New York Times qui n’a pas manqué de rappeler le bras de fer qu’Apple a lancé aux États-Unis avec le FBI, résistant aux injonctions de la cour.

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement chinois a réussi à contraindre Apple à fermer un service. Par exemple, suite à une loi promulguée en mars 2016 imposant des restrictions strictes à la publication en ligne, en particulier pour les entreprises étrangères, Apple s’est vu contraint à fermer en avril 2016 ses services en ligne permettant de lire un livre ou de regarder un film.

La Chine est le troisième marché le plus lucratif d'Apple où l’entreprise a fait un chiffre d'affaires de 8,8 milliards de dollars dans son quatrième trimestre, juste derrière le chiffre d’affaire réalisé en Europe. Mais les ventes ont reculé de 30% l'année dernière, en raison de la concurrence accrue des concurrents nationaux.

Source : New York Times, Reuters

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