Tout d'abord, il faut savoir qu'un brevet représente de la valeur pour une entreprise. En d'autres termes, si une entreprise possède un brevet, c'est un actif pour une entreprise et il figure dans son bilan. Et dans une société ou la plupart des investissements des entreprises deviennent immatériels (marques, formation et… logiciels), protéger son investissement devient capital. Et ce raisonnement est également valable pour une petite entreprise, qui peut ainsi protéger son invention face à un grand groupe pour éviter le plagiat, pour un coût qui n'est pas véritablement excessif (4000 à 7500 € par an pour une protection mondiale).
A ce titre, il convient de tordre le cou à un mythe dont on entend souvent parler, à savoir qu'un brevet favoriserait les monopoles. Historiquement, toute tentative d'exploitation monopolistique d'un brevet s'est soldée par un échec. Microsoft, par exemple, a bâti davantage son monopole sur une stratégie marketing. Et d'un autre côté, le brevet sur la compression GIF a été concédé à plus de 100 licenciés.
Le problème « déontologique » qui se pose avec un brevet logiciel est qu'à l'heure actuelle, le logiciel jouit de la même immunité qu'une œuvre d'art. C'est d'ailleurs pour cela que les fabricants de logiciels s'appellent « éditeurs ». Par conséquent, il n'y a dans le Code de Propriété Intellectuelle aucune clause garantissant que le logiciel remplira une fonctionnalité quelconque, pas même celle pour laquelle il a été conçu. Quand bien même une telle clause pourrait s'appliquer à une œuvre de l'esprit, c'est beaucoup moins envisageable pour un outil industriel. Une modification de la législation s'imposerait donc avant d'appliquer les brevets logiciels.
De son côté, le copyright, appliqué actuellement sur le code source en Europe, n'est pas non plus complètement à l'abri des critiques, car la protection qu'il fournit est en réalité sévèrement limitée, comme le montre la jurisprudence. Par exemple, pour obtenir gain de cause en cas de plagiat, le seul moyen sûr est de prouver le vol du support matériel ou la corruption de l'un des employés. Donc, le copyright ne fournit aucune protection contre les hackers ! Mais plus grave encore : le copyright n'est pas publié dans une base internationale. Par conséquent, il confère des droits dont la nature et la portée ne peuvent être ni vérifiés ni analysés avant qu'ils ne soient opposés à un tiers. Par contraste, les brevets sont consultables dans une base internationale ou nationale et on est tenu de faire une recherche d'antériorité lorsqu'on dépose un brevet.
Ainsi, le logiciel comme algorithme n'est pas brevetable, mais il l'est comme solution technique à un problème technique. Au contraire, le droit d'auteur est destiné à protéger l'expression de l'œuvre, et non les concepts qui sous-tendent sa conception. Les deux instruments ne s'excluent donc pas l'un l'autre, ils sont complémentaires.
La seule limite de taille à ce tableau est le problème de la brevetabilité des procédés triviaux, c'est-à-dire les procédés, les éléments graphiques et les algorithmes simples nécessaires à la création de tout logiciel. En effet, on ne sait pas tracer la frontière entre un procédé « non trivial » et donc brevetable et un procédé trivial. Par conséquent, pratiquement tous les algorithmes triviaux sont à l'heure actuelle brevetés en Europe par des grandes firmes américaines.
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