HP tout au bord du gouffre
Le constructeur se serait fait escroquer en rachetant le numéro 2 européen du logiciel
La moindre des choses quand on rachète une société, c’est d’analyser ses comptes en profondeur. HP paye le prix fort pour ne pas l’avoir fait.
Après une année 2012 catastrophique, le constructeur et éditeur américain affiche en effet une perte colossale de plus de 12,5 Milliards de dollars. Dont presque 9 seraient, d'après ses dirigeants, imputables au rachat de Autonomy en 2011.
Autonomy était le n°2 du logiciel européen derrière SAP. Il ne reste aujourd’hui de l’éditeur anglais qu’un champ de ruines sans grande valeur.
La faute à qui ? HP accuse les anciens dirigeants d’avoir maquillé leurs comptes avant la revente pour en gonfler artificiellement le prix (qui pour mémoire a été de 11 milliards). Et porte l’affaire devant les tribunaux britanniques.
Du côté des anciens d'Autonomy, on joue l’étonnement. Dans un entretien au vitriol paru dans le Wall Street Journal, son ancien PDG Mike Lynch – employé par HP pendant plusieurs mois après ce rachat - contre-attaque. « Nous étions audités tous les trimestres […] et bien sûr que HP a fait une analyse méticuleuse, une analyse qui a impliqué des centaines de personnes ainsi que KPMG », réplique-t-il. Et d’accuser à son tour HP de vouloir ré-écrire l’histoire pour maquiller ses pires résultats depuis 70 ans en se déchargeant de ses responsabilités.
« Autonomy a été racheté par un PDG [NDR : Leo Apotheker] qui voulait se séparer de plusieurs divisions de HP et faire du logiciel. Mais ce PDG a été évincé par un coup d’état interne », continue-t-il. Résultat, la suite serait une succession de mauvaises décisions aboutissant au départ des forces vives de l’éditeur anglais.
« Nous avions mis 10 ans à construire un leader mondial. HP l’a détruit en moins d’un an », conclut-il.
Certains voient aussi dans cette débâcle la responsabilité de Leo Apotheker, son ancien PDG. Il est vrai que l'allemand n’a pas laissé un souvenir impérissable, mais c’est oublier que c’est le Board de HP qui a été le chercher.
Beaucoup reprochent à Apotheker d’avoir voulu mettre de côté le Hardware et d’avoir mis trop le cap vers le logiciel… Mais quand on débauche le PDG de SAP, c’est a priori pour mener ce type de stratégie. Ou alors il y a erreur de casting.
C’est oublier aussi que l’enquête sur les comptes d'Autonomy n’a été ouverte - d'après des sources anonymes internes - qu’en mai 2012. Soit après le départ de Mike Lynch en avril, et plusieurs longs mois après le licenciement de Leo Apotheker.
C’est oublier, enfin, que la succession de couacs a commencé avec le départ de Mark Hurd - le prédécesseur de Apotheker - pour une rocambolesque histoire de fesse. Son aventure extra-conjugale avec une ex-Playmate « portait préjudice à l’image de HP » (sic).
Aujourd’hui, Hurd fait le bonheur de la division serveur d’Oracle. Et sa réputation de dirigeant hors pair et expert est toujours unanimement reconnue.
Au-delà du débat sur les responsabilités, le seul constat qui s’impose aujourd’hui est la grande difficulté dans laquelle se trouve HP. Une restructuration est en cours. Et 27.000 licenciements sont prévus en 2013.
En parallèle, on notera qu'aucun départ n’est venu modifier le Board de la société. Le même Board qui a recruté Apotheker, licencié Hurd et donné le feu vert pour le rachat d'Autonomy. Aucun départ, à part celui de son ancien dirigeant européen qui a, au final, joué le rôle du parfait bouc émissaire.
Et maintenant, quel avenir ? Plusieurs analystes ne voient dans les mesures de la PDG Meg Whitman qu’un pansement sur une jambe de bois.
Certains pensent même que le groupe, au bord du précipice, est en train de faire un pas de plus en avant. « Les problèmes de cette entreprise sont bien trop profonds, je doute vraiment qu'elle [Meg Whitman] arrive à sauver HP », confie l’un d’eux au Monde dans l’édition datée d’aujourd’hui.
Réponse en 2013.
Sources : WSJ, Le Monde
Et vous ?
Pensez-vous comme cet analyste que HP pourrait disparaître ?
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