Depuis le 11 Avril dernier, Apple et cinq maisons d'éditions (Penguin, Macmillan, Hachette, HarperCollins et Simon&Schuster) sont au cœur d'une controverse sur le prix des e-books.
Avec le lancement de son offre de livres numériques, Apple avait passé un contrat d'agence avec les maisons d'éditions. Contrairement au modèle classique, où le détaillant achète les livres en gros et les revend à un prix de son choix (ou en France à un prix fixe), le modèle d'agence implique que l'éditeur fixe les prix, et l'agent touche une commission.
La controverse porte sur un accord secret qui aurait lié Apple aux géants de l'édition.
Ceux-ci se seraient engagés à ne pas vendre d'e-books à un détaillant qui pratiquerait des prix plus faibles que ceux d'Apple. Si cet accord a bien eu lieu, il vise Amazon, connu pour ses marges très faibles, qui réalisaient plus de neuf ventes d'e-books sur 10 avant l'arrivée d'Apple sur le marché.
Ce qui est certain, c'est qu'Amazon a du augmenter ses prix.
L'enjeu pour les éditeurs était également de toucher plus d'argent, que ce soit par le biais d'Apple ou d'Amazon. Les prix des e-books ont ainsi augmenté en moyenne de $2 à $3 sur une période de 3 jours, début 2010.
Les poursuites sont menées aux États-Unis par quinze États, le Département de la Justice, le territoire de Puerto Rico ainsi que séparément, par une class action de consommateurs.
En Europe, les poursuites sont menées par la division anti-trust de la Commission Européenne. Celle-ci peut imposer une amende allant jusqu'a 10% des revenus globaux d'Apple, soit plus de $10Mds.
Aux États-unis, trois des accusés— Hachette, HarperCollins et Simon&Schuster — sont parvenus à un accord avec le Département de la Justice dès le 12 Avril.
Les deux premiers se sont déjà entendus avec les avocats généraux de Texas et du Connecticut, acceptant de payer $52M, et le troisième cherche à rejoindre cet accord.
Leur accord avec le Département de la Justice les engage également à abandonner leurs accords avec Apple, à ne pas intervenir sur les discounts proposés par les détaillants pendant deux ans, et à ne plus donner de statut privilégié (« most favoured nation clause ») aux détaillants.
Ces trois éditeurs traitent actuellement avec les autres États et la class action.
La « most favoured nation clause » fait référence à l’accord en vertu duquel les éditeurs s’engageaient à ne pas fournir de distributeur qui vendrait leurs e-books moins chers que Apple.
En revanche, Apple, Penguin et Macmillan ont refusé les négociations et souhaitent affronter les procès Américains, selon leurs communiqués de presse.
La situation est différente en Europe où Apple et quatre éditeurs ont déjà transmis des propositions de règlements amiables à la Commission Européenne. Penguin semble pour sa part vouloir faire cavalier seul et affronter la justice Européenne, envers et contre tout.
La défense américaine d’Apple devrait reposer sur le fait qu’Amazon détenait un monopole de fait. Cependant, le fait de détenir un monopole n’est pas un tort en soi (contrairement à l'abus de position dominante) et les faibles marges d’Amazon, ainsi que son statut de pionnier du secteur, devraient lui attirer la bienveillance de la cour. De l'autre, la hausse des prix imposée par Apple rend peu crédible l’affirmation que la firme à la pomme a agit dans l’intérêt des consommateurs.
Outre les peines moins lourdes encourues aux US, Tim Cook parie peut-être sur l’élection Américaine dans sa stratégie de contester les accusations aux US alors qu’il négocie un accord en Europe.
Ceux qui ont suivi le procès US v. Microsoft se souviendront que Microsoft avait été condamné à être scindé en deux sous l’administration Clinton, avant que le Département de la Justice n’arrête les poursuites (en échange de concessions symboliques) sous l’administration Bush.
Il est possible qu’un changement de gouvernement permette à Apple d’obtenir un retournement de situation comparable à celui qui avait bénéficié à son concurrent de Redmond.
Source: Reuters
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