Envoyé par
r0d
En fait, ce que j'essaie de dire, ce serait plutôt: "Oui mais nous nous savons tout, donc nous avons tort".
Si nous voulons entrer dans le détail de concepts complexes, il faut que toutes les personnes qui prennent part à la discussion acceptent ne pas détenir la vérité, acceptent de se tromper et acceptent de se remettre en question. Nous devons accepter le fait que, dans ces domaines, nous avançons à tâtons, et que nous ne pouvons pas faire beaucoup plus que des suppositions.
Au-delà de ce problème-là, se pose celui de l'épistémè (la méthode). Car le champ politique (au sens noble) est largement dominé par la doxa (l'opinion), qui est incompatible, antagoniste même, avec l'épistémè. Je pense que cette situation est un problème de complexité, et je me réfère encore une fois à Kant: il y a certaines choses qui sont trop compliquées pour le cerveau humain. Or moi je crois que la politique en fait partie.
Certains philosophes ont tenté d'introduire de la méthode en politique. Je pense en particulier à Aristote, puis il y a eu Spinoza, puis Kant, puis plus récemment Aron. Mais leurs travaux sont restés "lettre morte". C'est pour ça que je disais, plus tôt, que "Nietzsche à gagné et Kant a perdu". La volonté de pouvoir (la force des affects) a pris le dessus sur la raison pure (la méthode axiomatique).
Encore une fois, ce n'est pas ce que j'ai dit.
Bon attends, pour expliquer ce que j'essaie de dire, je vais devoir passer par un petit peu de dialectique. C'est assez ennuyeux, mais je ne vois pas comment faire autrement.
1/ L'énoncé. Tel que j'ai compris notre discussion, je propose l'énoncé suivant:
Proposition: "La séparation des pouvoirs est une bonne solution".
Problème: "Comment organiser concrètement la séparation des pouvoirs pour qu'elle soit optimale?"
2/ Critique.
Est-ce que la proposition est vraie?
Ma réponse à cette question est: nous n'avons pas les outils conceptuels pour y répondre.
Moi je crois qu'elle est vraie. Je le crois, mais je n'ai aucun moyen de le démontrer. Le seule chose que nous pouvons tenter, c'est de se baser sur l'expérience, c'est à dire l'histoire, pour montrer que les organisations qui appliquent la séparation des pouvoirs ont plus de succès. Mais deux problèmes se posent.
A. Le premier est ontologique. Logique si tu préfères. Parce qu'il s'agit d'une proposition "a posteriori" (référence à théorie de la connaissance de Kant), elle n'est vraie que tant que nous n'avons pas montré qu'elle est fausse. C'est donc insuffisant. C'est tout la différence entre une démonstration mathématique "a priori", qui permet de montrer à l'avance que dans tous les cas, la proposition sera vraie.
B. Le second est phénoménal. L'expérience (l'histoire) a montré que ce n'est pas si clair que cela. Il y existe de nombreux exemples d'organisations totalitaires où les dominés semblent être heureux. L'entreprise capitaliste en est un.
Le problème c'est que je n'ai pas de réponse. Mais le peu que j'ai à dire sur le sujet n'a d'intérêt que si nous sommes prêts à accepter le fait que nous sommes ignorants.
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