Je suis justement un "cas d'école" en la matière: diplômé d'une ce ces écoles "classe A", j'ai commencé ma carrière en France et je la continue actuellement au Luxembourg (un vrai carrefour culturel et une diversité vraiment enrichissante, soit-dit en passant).
Ma première boite ? Les collègues qui faisaient le même boulot que moi gagnaient systématiquement moins que moi, et parfois pas qu'un peu. Pas parce qu'ils étaient moins méritants, mais parce que l'entreprise basait tout sur des grilles de salaire entièrement basées sur le diplôme obtenu, 1, 5, 20 ans plus tôt. Et pour en avoir largement discuté autour de moi, avec des personnes dans le même cas que moi, c'est la norme dans presque toutes les (très) grosses boites françaises. Même constat concernant l'évolution de carrière: quand 80% des N+1, N+2, N+x sortent de la même école ou d'une école du même 'rang', ça n'est plus un hasard ou les seules compétences.
Je pourrais également t'expliquer comment et combien j'ai de prises de contact pour des jobs, chaque mois, sans le moindre bout de CV publié nulle part. Question systématique: "comment avez vous obtenu mes coordonnées ?", réponse systématique: "par l'annuaire des anciens". Encore du vécu au quotidien. Même chose si je regarde mes chances d'obtenir un entretien quand je postule quelque part (de toute ma carrière, y compris frîachement diplômé, si j'ai eu 5% de CV envoyés qui n'ont pas mené à un entretien, c'est un maximum).
Si je te dis ça, c'est pas pour répéter un petit poncif entendu ou maintes fois lu sur les forums, un "il se dit que... le copain du copain aurait vu ...". Si je dis ça, c'est parce que j'ai pu le constater moi-même, dans plusieurs boites distinctes.
Lors de ma 'migration' à l'étranger, j'ai pu constater à quel point l'approche est différente dès l'entretien d'embauche, preque entièrement axée sur les capacités et l'expérience. Je t'assure que c'est flagrant. Hors recruteur français, on ne m'a presque jamais parlé de mes études, mais de mes connaissances, capacités et exéprience. Tout l'inverse de mes entretiens précédents.
Je te rejoins juste sur un point: en tant que Français, on a la critique facile, et on a vite fait de s'en servir pour se dédouaner d'entreprendre quelque chose par soi-même. On s'en rend compte en sortant de nos frontières: monter une entreprise, bien gagner sa vie sans tabou, plutôt moins de critique systématique des "chefs (forcément) incompétents, patrons (esclavagistes), etc..." à la pause café. Les gens font preuve de plus de prise de risque (démissionner pour changer de boite, essayer de se mettre à son compte). Et globalement, on observe plus de pondération, de culture du compromis.
Et à nouveau: ce n'est pas une image d'Epinal: je te parle du quotidien, mon quotidien. Et c'est d'autant plus palpable quand un jeune collaborateur français débarque dans ma boite et ramène maladroitement dans sa valise les 'reflexes' classiques du jeune français. On mesure le chemin qu'on a parcouru, mine de rien.
Alors est-ce de l'auto flagellation ? Certainement pas: on peut avoir un regard critique tout en restant pondéré. Et tout le monde n'est pas comme ça, évidemment. Mais globalement en France la culture collective reste figée dans ce genre d'écueuil. C'est flagrant avec un regard extérieur. Et qu'on soit à l'aise dans ce moule là ou qu'on veuille s'en défaire, l'environnement influence quand même énormément les possibilités et les marges de manoeuvre.
Car quelles que soient nos aspirations personnelles on n'est finalement qu'un individu en interaction constante avec le reste de la société. On ne peut donc pas s'y soustraire d'un coup de baguette magique ou de par notre simple volonté. On est quelque part contraint par notre environnement.
Tout juste peut-on essayer d'influencer un peu les choses à notre échelle, celle d'une goutte d'eau dans un océan. Perso j'ai monté une boite (en activité secondaire), pour apprendre l'entrepreunariat (qui est finalement lui aussi un job à part entière). Je parle de mon expérience autour de moi, j'explique et je rassure mes prolo de parents pour qui "un enfant qui change de boite tous les 3, 4, 5 ans ou qui devient patron, c'est quand même un peu inquiétant". Je sais que je ferai tout pour que mes enfants fassent au moins une partie de leurs études à l'étranger, pour s'ouvrir l'esprit. Etc... Bref, des petites choses du quotidien, sans pour autant la moindre illusion que je puisse à moi tout seul être à l'origine d'un quelconque "matin du grand soir".
My 2 cents.
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