Quand j'entends l'expression "pénurie d'informaticiens", je me projette 12 ans en arrière, en 2002/2004 quand la bulle de l'IT et des télécoms a explosé.
Je venais de terminer mes études et je n'arrivais pas à décrocher de travail. Je croisais régulièrement d’anciens étudiants d'écoles d'ingé, IUT, BTS qui écumaient aussi les salons de recrutement. J'entendais des histoires effrayantes d'anciens du marché de l'info qui m'expliquaient que "là c'est la crise, tout est bouché". Je suis tombé sur les statistiques des demandeurs d'emploi en IT dans la région de Rennes, la courbe montait comme les pentes de l'Everest. Plus tard, j'ai appris que le nombre de chômeurs en IT a été multiplié par deux en deux ou trois ans, si je me souviens bien.
Je me rappelle encore du salon de recrutement du CNIT à la Défense en 2002 : la surface des exposants a été divisée par deux "à cause de la crise", tandis que le nombre de candidats avait explosé. Pour chaque stand, il fallait faire la queue pendant 20 ou 30 minutes, on pouvait voir les candidats précédents passer devant le recruteur un par un.
Je me souviens plus particulièrement de deux stands :
- la Poste : le recruteur, d'age mûr et portant la moustache, semblait trouver très comique la plupart des candidats et des CVs qui passaient devant lui. il les déposait en deux groupe : un gros tas, qui finirait probablement à la broyeuse, et un tas très fin, les CVs qui ont retenu son attention. L'entretien avec ce monsieur fut assez burlesque : il a parcouru mon CV très rapidement et m'interpelle sur le mot "Pascal" : "vous faites du Pascal? AHAHAHAHAHAHA!!!". Je répond que nous avons un peut abordé le Pascal en algo, mais que par la suite nous sommes passé au Java et au... Il m’interrompt : "du Pascal, AHAHAHAHAHA!!!". J'essaye de réorienter la discussion sur mes stages et autres projets d'études (pas en pascal), mais il revient une fois de plus sur le Pascal, avant de me remercier. L'entretien est terminé, je sais déjà dans quel tas finira mon CV.
- le stand d'une SSII dont j'ai oublié le nom : pareil, on fait la queue pendant au moins 20 minutes. Je franchis le premier filtre des recruteuses "junior" qui m'orientent vers le senior, assis dans un bureau derrière elles. Profil la cinquantaine, il me demande de m’asseoir et parcours mon CV quelques secondes. Son téléphone sonne, il décroche et se met à discuter pendant que j'attends sagement. Au bout d'une minute, il me lance un regard et me congédie d'un geste de la main tout en poursuivant sa discussion. Pas de "au revoir", rien. je me lève et je m'éloigne.
Je m'assoie pour me reposer et j’entame la discussion avec mon voisin qui m'explique sortir de Télécom Paris, que le marché est sinistré et qu'il cumule les refus. Bonjour l'ambiance.
Le bonus : la visite chez l'Assistante Sociale pour toucher le RMI : "Vous êtes dans l'informatique?? Mon pauvre Monsieur, je vois des gens comme vous tous les jours!!".
Pourquoi je raconte tout ça? Parce ce que dans le même temps, la TV et la presse nous abreuvaient du discours sur la fameuse "pénurie des informaticiens". Les entreprises, parait-il, ne trouvent pas de candidats, il fallait former plus de monde, etc etc. De mémoire, j'ai toujours entendu ce discours sur la "pénurie des informaticiens", alors même que ma SSII était remplie de consultants en intercontrat auxquels aucune mission n'était proposée.
Maintenant, j'associe automatiquement l'expression "pénurie d'informaticiens" à "mensonge", "arnaque", "communication", "pipo"
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