Et ce qui arrive maintenant, quand d’autres petites Roque sont violées et assassinées, ce sont ces rituels bien connus, ces cérémonies de deuil ostentatoire et ces accès de lynchage virtuel, tous ces comportements surprenants, tous ces phénomènes que décrivent les médias (après les avoir en partie fait naître) et que l’on peut regrouper sous les noms de festif de repentance, nécrofestif, festif de lamentation ou festif funèbre.
Toutes ces appellations peuvent d’ailleurs être elles-mêmes rassemblées sous le label lacrymocratie. En régime lacrymocratique, le problème de savoir où poser son chagrin, et aussi celui de savoir comment l’exprimer, se présentent à chaque instant.
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Là comme ailleurs, il serait conduit à observer que les manifestations de la douleur, bien au-delà de celle des parents ou des proches de la victime, se développent désormais comme une pride, dégénèrent et se démesurent en Sorrow Parade, et que tout finit en fête, même s’il s’agit en l’occurrence de fêtes de deuil, noires et vengeresses. Il pourrait donc nous faire assister à un nouveau processus de dépossession de la mort, du deuil et du chagrin ; et aux longs défilés publicitaires que cette dépossession suscite et accompagne. La gigantesque confusion mentale que le festif contemporain est chargé de recouvrir de son manteau d’effervescence ne s’est jamais mieux manifestée que dans ces « marées blanches » de Belgique qui ont suivi l’affaire Dutroux, où tout un peuple s’est chargé de faire la publicité de son propre deuil, ainsi que de son désir de vengeance et d’épuration. Le chagrin lui-même, et la soif de justice, se sont dissous, au long de ces défilés, dans la fierté unanime de n’être pas pédophile. C’est tout ce qu’une société occupée de sa revirginisation a été capable de penser ou de ressentir.
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