Je ne crois pas en cette rupture. Si les partis politiques continuent à être au pouvoir, c'est parce qu'une majorité de votants se retrouve dans leurs idées. En fait, tout les belles idées que nous servent en permanence nos braves politiques, le relativisme moral, le vivre ensemble, le jeunisme, la foi dans le numérique, la transition écologique, sont des idées qui se sont répandues dans la population avant que les partis les reprennent à leur compte.
S'il y a une rupture, elle est sociale, entre les gagnants de la mondialisation, éduqués, vivant au centre, parlant des langues étrangères, travaillant dans le tertiaire, à l'aise avec les technologies, et surtout acquis à ces "valeurs républicaines", qui constituent le socle de la doxa médiatique, et la périphérie, qui traine le patte de plus en plus loin derrière le peloton de tête.
Le problème des partis politiques, c'est qu'ils ont choisi, sans hésiter, les premiers contre les seconds. C'est particulièrement net à gauche: la droite a toujours été bourgeoise, mais le PS a longtemps été un parti où coexistaient des militants issus des couches populaires, voire ouvrières, et d'autres venus de milieux éduqués. Depuis Terra Nova, cette diversité a disparu, et le PS s'est recentré sur sa clientèle éduquée et aisée, qui se reconnait dans DSK ou Hollande, ou même Montebourg, mais moins dans Aubry, un peu trop "cash". De même, l'UMP se sent mieux avec Fillon et Juppé, qu'avec Sarko (qui fait nouveau riche...).
C'est pareil avec les petits partis. EELV, le Front de Gauche, le Modem, ou les souverainistes à la Dupont Aignan visent un public aisé, éduqué, les mêmes...
Du coup, depuis une vingtaine d'année, gauche et droite ont fait la même politique, au service de leurs clients, et "contre" le reste (ou plus précisément, sans s'en préoccuper). Et comme ils étaient tous d'accord sur les principes et les valeurs des classes qu'ils défendaient, ils ont fini par les confondre avec les "valeurs républicaines", l'idéal démocratique, "nos valeurs", quoi...
Et c'est comme cela qu'on arrive à notre belle société actuelle, avec ses méchants qui votent FN, et ses gentils qui les traitent de cons, au nom de la tolérance, du respect, et de l'ouverture d'esprit, bien entendu...
Si c'était si simple, il y aurait de l'espoir. Une grande partie de notre profession va connaître les joies de la délocalisation (il n'y a aucun intérêt à maintenir en France les gestionnaires, et donc de moins en moins d'utilité à y garder les informaticiens qui développent et gèrent leurs systèmes), et la valeur ajoutée d'une grande partie de nos classes moyennes n'est pas assez grande pour compenser son coût, dans une économie plus mondialisée.
Le problème, je crois c'est que l'enjeu n'est plus idéologique. Avec la crise, les déficits, la croissance qui n'est plus là, le gâteau se réduit, et le "camp des gagnants" se bat pour ses avantages acquis: sa sécurité de l'emploi, ses droits au chômage, à la formation, à la retraite, le bien être de ses enfants, dans leurs écoles des centre ville, leur éducation supérieure gratuite, complète avec les vacances à l'étranger.
A mon avis, on est en pleine lutte des classes...
Si c'était essentiellement dû aux échecs de la gauche et de la droite, on devrait aussi voir monter l'extrême gauche, non? Donc, pourquoi le FN, et pas les trotskystes?
Francois
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