Un sujet que j'avais envie d'abord depuis longtemps...
Il y a quelques semaines l'entreprise allemande Q-Cells, numéro un européen et numéro deux mondial des cellules photovoltaïques, a déposé le bilan [1] et ce malgré la politique allemande d'investissements massifs sur les renouvelables. Notre propre pore-étendard national, Photowatt, un nain en comparaison, avait d'ailleurs connu le même sort avec intervention en dernier recours de la puissance publique pour forcer un rachat par EDF. Qui plus est, pour le Frankfurter Rundschau, la filière éolienne devrait suivre à son tour, là aussi au profit de la Chine. [2].
Le problème tient en ce que les énergies renouvelables sont devenues en peu de temps un marché à relativement faible valeur ajoutée, où l'innovation ne perce presque exclusivement que sur les marchés de niche.[3] Délocaliser la production (comme l'avait fait Q-Cells en Malaisie) ne suffit pas et c'est par les effets de volume que la Chine s'est imposée, avec une demande intérieure dix fois supérieure celle de à l'Allemagne, en maintenant les étrangers en-dehors de ce marché via d'importantes subventions intérieures. [4]. En comparaison, la R&D joue peu puisque les produits aux technologies désormais anciennes et bien rodées sont les plus intéressants, comme le démontre la Chine qui a faiblement investit en R&D et encore majoritairement sur l'acquisition de compétences dans la filière silicium, leur gros point faible sur ce secteur plutôt contrôlé par le Japon et les USA. [5] Enfin la Chine a également la maîtrise des terres rares (95% de la production mondiale, avec des quotas d'exportation sans cesses resserrés), nécessaires aux panneaux PV et aux aimants des turbines éoliennes. [6]
Pour la France c'est évidemment un problème : comment construire une filière nationale dans ce contexte quand un géant comme Q-Cells dépose le bilan et lorsque nous ne pas positionnés sur les compétences en amont (silicium, cellules PV, turbines, mâts : aucun acteur important) ?[7][8] Nathalie Kosciusko-Morizet révélait ainsi qu'après quatre années de subventions à hauteur de plusieurs milliards par an (13 milliards en 2011), 90% des panneaux photovoltaïques venaient de Chine et seulement 30% de la valeur ajoutée totale (des matières premières à l'installation) était réalisée en France, pour un solde commercial presque exclusivement déficitaire. [9]. Faute de perspectives réelles pour faire évoluer cette situation, la France devrait donc se contenter de ce maigre tiers et tout miser sur l'installation et la maintenance (Alstom, EDF, STX, sans doute Véolia demain), finançant une transition vers les renouvelables aux dépens d'une balance commerciale déjà bien mal en point, et que n'amélioreront pas les nécessaires hausses des importations de gaz (ce dont se réjouiront Total et GDF) indispensables à la montée en puissance des renouvelables dans le parc français pour prendre le relais en l'absence de soleil ou de vent (puisque le nucléaire n'est rentable que s'il tourne aussi souvent que possible afin d'amortir le coût des installations et puisque sa montée en puissance est trop lente pour pallier aux baisses subites de production).
Pour rappel, Sarkozy maintient son objectif de 23% de renouvelables en 2020 (13% aujourd'hui, dont 10% hydroélectrique), Hollande annonçant pour sa 37% en 2025.
PS : Non, je ne soutiens pas Sarkozy. Tous deux veulent encourager le développements des renouvelables, j'ai simplement donné les chiffres. Entre les deux tours cela me semblait pertinent.
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